Essai/France 7 mars Marianne Chaillan

Il semble que, quoique encore jeune (elle est née en 1966), Amélie Nothomb, pour avoir publié chaque année en septembre, depuis 1992 et Hygiène de l'assassin, chez le même éditeur, Albin Michel, et avec un succès qui ne se dément pas, un roman (sur les quatre qu'elle écrit par an), ait bien mérité son paradis. C'est du moins le postulat de départ du livre espiègle de Marianne Chaillan, professeure de « pop philosophie » à Marseille. On aimerait être de ses élèves.

Amélie, donc, se retrouve un beau jour, après sa mort, aux portes du paradis. Mais lequel ? Celui des écrivains, auquel elle pourrait prétendre puisqu'elle n'a signé que de la fiction, ou celui des philosophes, là où le Grand Horloger a décidé de l'affecter. Autrement dit, elle qui aurait rêvé de dialoguer pour l'éternité avec Flaubert, Stendhal ou Marguerite Yourcenar, sa compatriote, va passer sa mort avec Platon, Nietzsche ou Vladimir Jankélévitch. Il y a pire, certes, mais face au juge Epiphane, elle interjette appel de cette orientation, par modestie. Un procès va donc être instruit, mené par l'avocat Déodat, qui cite à la barre un certain nombre de philosophes prestigieux, venus démontrer que la dame est bien l'une des leurs. C'est ainsi qu'Hannah Arendt s'attache à Acide sulfurique, qui traite de la banalisation du mal pour la stigmatiser, Jean-Jacques Rousseau explique que Biographie de la faim illustre la vérité selon laquelle le désir naît du manque, de la privation, ou encore Nietzsche, traitant de Ni d'Eve ni d'Adam, estime qu'Amélie présente avec lui nombre de points communs, et qu'elle s'identifie à Zarathoustra. Levinas, Sartre, Spinoza, Cicéron, Hegel, défilent aussi à la barre, entre autres.

Avec des témoins de cette envergure, le verdict ne fait aucun doute : la romancière, qui a suivi tout cela en sifflant deux bouteilles d'un excellent dom-pérignon (sa boisson favorite), est évidemment admise, pour les siècles des siècles, au paradis des philosophes. Mais si tout ça n'était qu'un rêve ? Et un subterfuge littéraire, de la part de Marianne Chaillan, nothombologue distinguée, destiné à prouver la profondeur de l'œuvre d'Amélie Nothomb, et à nous inciter à la (re)lire intégralement, désormais décryptée, éclairée d'un jour nouveau. Ce livre est tout simplement épatant.

Marianne Chaillan
Ainsi philosophait Amélie Nothomb - Préface Raphaël Enthoven
Albin Michel
Tirage: 15 000 ex.
Prix: 17 euros ; 176 p.
ISBN: 9782226397140

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