4 janvier > Roman France > Didier Blonde

On est dans un café, il fait jour, Antoine Doinel et Monsieur Henri, détective, sortent en discutant. La caméra les précède. La salle dans toute sa profondeur. Léger panoramique vers la gauche, on les voit de dos à présent, ils passent près d’un couple assis à la table de droite. Les cinéphiles se souviendront peut-être de cette scène où le protagoniste de Baisers volés de François Truffaut, venant de se faire renvoyer de son emploi de veilleur de nuit, rencontre le détective susnommé, responsable de son licenciement parce qu’il avait ourdi un plan pour le surprendre en flagrant délit d’adultère.

Le narrateur du nouveau livre de Didier Blonde, Le figurant, s’en souvient bien, lui, puisqu’il était un de ces consommateurs sans voix et sans nom du café. Etudiant en khâgne peu motivé, en revanche mordu de septième art et lecteur avide des Cahiers[du cinéma], ainsi les abrégeaient les amateurs, il faisait de la figuration dans nombre de films de la nouvelle vague. Sa présence passait telle une ombre dans le plan : "Quand il m’est arrivé, exceptionnellement, d’entrer dans la catégorie des "silhouettes parlantes", ce n’a jamais été que pour prononcer une seule réplique […] plus ou moins audibleet de la plus grande banalité […]."

"C’était ma façon d’être là", confie-t-il, et de demeurer dans cette époque alors que fuient les années… Mais il est une autre silhouette qu’il aurait voulu retenir, celle de la jeune fille face à lui dans ce troquet de Montmartre, Le Disque bleu. Elle et lui formaient ce faux couple attablé au café dans le film de Truffaut. Elle s’appelait Judith, se rêvait sans doute en Bardot ou Anna Karina, et tenait comme lui des emplois muets. Qu’est-elle devenue ? Le narrateur mène l’enquête. Le Disque bleu a changé de nom : nouveaux figurants du quotidien. Autres temps autres mœurs. On ne se cherche plus du regard, on déroule son CV après s’être programmé un rendez-vous sur Meetic. L’auteur de Leïlah Mahi 1932 (Renaudot essai 2015, repris en "Folio") tisse une belle histoire sur les baisers qu’on n’a jamais volés. S. J. R.

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