Récit/France 20 mars Alain Monnier

« Tu te dis écrivain, mais au fond de toi tu penses surtout que tu es usurpateur. Les livres publiés, les articles élogieux, les lettres de lecteurs restent impuissants même s'il t'arrive de t'y accrocher pour faire taire les doutes. Tu te sens illégitime et les marques d'intérêt n'y peuvent rien changer. » Telles sont les confidences qu'inspire à Alain Monnier l'esprit de la villa Médicis, quand il y séjourne en résidence pour un mois. On ne peut pas soupçonner cet écrivain discret, créateur en 1994 d'un fameux personnage de doux naïf (Le petit monde de Barthélémy Parpot, J'ai lu, 2015), de jouer les faux modestes. Cet Esprit des lieux est à son image : un album personnel où il se tient dans la photo, mais jamais seul. Des promenades solitaires, mais où il marche aux côtés des Juifs déportés du camp de Rivesaltes, des travailleurs qui ont construit l'immeuble de la Stasi, devenu musée sur la Karl-Marx Allee à Berlin, les ecclésiastiques séquestrés de la chapelle des Carmes dans le Paris révolutionnaire de la fin de l'été 1792, le résistant Boris Vildé et les six autres condamnés le 23 février en 1942 au Mont-Valérien...

Ces lieux choisis parlent de l'homme qu'il est (en ce sens, c'est un autoportrait), mais surtout le relient intimement au passé des hommes. « L'esprit des lieux détient le pouvoir d'enflammer notre imagination, de restituer une époque, des présences d'antan, une proximité avec des inconnus qui ont pour principale vertu d'avoir été là avant nous.» Cela a plus à voir avec l'histoire qu'avec la géographie. Avec le temps qu'avec l'espace. La dernière promenade, une visite dans la grotte magdalénienne de Niaux, dans l'Ariège, pour contempler avec une guide, et à la seule lueur de torches, des animaux dessinés sur les parois il y a treize mille ans, convoque particulièrement ce temps universel auquel peut donner accès le génie des lieux. C'est une expérience physique, une émotion qui « empoigne ». Celle de « partager le fait que quelque choseait eu lieudans ce paysage ». C'est se sentir dans la place, à sa place. Habiter le monde en habitant le temps commun.

Alain Monnier
L’esprit des lieux
Flammarion
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 17 euros ; 224 p.
ISBN: 9782081481411

Les dernières
actualités