Assises internationales de l'édition indépendante

Barbora Baronová : "Publier est un acte politique"

Barbora Baronová, fondatrice de la maison Wo-Men en République tchèque. - Photo ©Cécilia Lacour/LH

Barbora Baronová : "Publier est un acte politique"

Invitée aux Assises internationales de l'édition indépendante (Pampelune, 23-26 novembre), l'éditrice tchèque Barbora Baronová témoigne de la place des femmes dans l'édition. 

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Par Cécilia Lacour Pampelune ,Espagne
Créé le 25.11.2021 à 12h45

Elle se présente comme féministe radicale. Editrice indépendante et documentariste littéraire, Barbora Baronová a fondé en 2012 la maison Wo-Men en République tchèque. Aux côtés de l'autrice Djaïli Amadou Amal, Goncourt des lycéens 2020 pour Les impatientes (Emmanuelle Collas), Ana Gallego Cuiñas, professeure de littérature latino-américaine à l'Université de Grenade et directrice de projets sur l'édition indépendante dans le monde hispanophone et sur les femmes éditrices, Julia Ortiz, éditrice indépendante en Uruguay et Samar Haddad, éditrice indépendante en Syrie, Barbora Baronová a témoigné de la situation, de la place et du rôle des éditrices lors d'une table ronde "Les femmes dans le monde éditorial" animée pendant les Assises internationales de l'édition indépendante, organisées du 23 au 26 novembre à Pampelune (Espagne) par l'Alliance internationale des éditeurs indépendants avec le concours de l'Association des éditeurs de Navarre (Editargi). 

Quels sont les enseignements à retenir de la table ronde "Les femmes dans le monde éditorial" ? 
De nombreuses femmes travaillent dans l'édition mais les professionnels qui prennent les décisions sont majoritairement des hommes. Pendant la table ronde, Ana Gallego Cuiñas a souligné, chiffres à l'appui, que les éditrices susceptibles de prendre des décisions travaillent très majoritairement dans des petites ou moyennes maisons d'édition. Et même quand elles sont présentes à la table des discussions, elles font souvent office de décoration, comme l'affirmait l'éditrice Samar Haddad. Elle ajoutait par ailleurs que si leur présence dans le processus de décision laisse imaginer une ouverture, dans les faits, elles sont rarement prises au sérieux. Enfin, l'autrice Djaïli Amal Amadou a expliqué qu'il n'y a probablement pas d'éditrice au Cameroun. Il existe donc des pays dans le monde où les éditrices n'existent pas ou sont, du moins, complètement inconnues du public. En revanche, j'ai vraiment eu l'impression que de nombreuses éditrices sont militantes et qu'elles souhaitent donner de la voix à certains sujets ou certaines personnes marginalisées ou réduites au silence. 

Quelle est la situation, la place des éditrices en République tchèque ? 
Les éditrices sont surtout présentes dans les niches éditoriales. Elles publient majoritairement de la non-fiction, qui n'est pas vraiment soutenu dans mon pays, de la jeunesse, de la bande dessinée ou des livres plus expérimentaux. Mais nous ne sommes plus invisibles désormais. Et des projets se créent, comme Knihex, une plateforme lancée en janvier 2020 par trois femmes et proposant des ateliers, des formations ou des foires afin d’imaginer et créer de meilleures conditions de publication en République tchèque. C’est peut-être un peu naïf mais je pense sincèrement que les femmes peuvent changer le monde et en inventer un meilleur. 

Pendant votre intervention, vous avez assuré que "publier est un acte politique". Pourquoi ? 
Il existe tellement de groupes de personnes marginalisés ou réduits au silence. Je pense notamment aux femmes âgées de 50-60 ans ou plus, ou encore les personnes pauvres. Selon moi, les éditeurs doivent agir comme des amplificateurs pour faire entendre leurs voix. C’est une activité politique de publier des livres sur des groupes de personnes, même si ces ouvrages ne s’écoulent pas à des milliers d’exemplaires. 

Est-ce pour cette raison que vous avez fondé Wo-Men en 2012 ? 
Non, pas du tout ! Je n’ai jamais voulu devenir éditrice. A l'origine, je souhaitais être autrice. J’ai écrit un premier livre, sur les femmes non mariées et sans enfant. Quand j’ai voulu être publiée, les éditeurs ont refusé mon projet, m’expliquant que le sujet était trop ambitieux et pas très vendeur. J’ai donc décidé de me publier moi-même, en finançant mon livre avec mes économies et en lançant la toute première campagne de financement participatif pour un livre en République tchèque. Ça a été un succès et par la suite, d’autres auteurs et actrices m’ont contactée pour que je publie leurs ouvrages. 

Depuis #MeToo, en France, on observe une augmentation de titres de non-fiction consacrées aux femmes et au féminisme. Ce phénomène éditorial existe-t-il également en République tchèque ?
Oui, tout à fait ! Mais cette augmentation de la production est surtout portée par de grandes maisons qui éditent principalement des titres à fort potentiel commercial. Par exemple, nous voyons une vague de livres sur les femmes inspirantes en République tchèque et dans le monde. Mais je pense que cette augmentation souligne surtout une appropriation de notre travail. Des hommes et de grands groupes s’approprient les sujets et les histoires des femmes, au détriment de celles qui travaillent sur ces thématiques depuis longtemps.

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