Clap de fin

Betty Mialet, Mialet-Barrault Éditeurs : « C'est une très belle rentrée, pour finir en beauté »

Bernard Barrault et Betty Mialet devant les locaux de Mialet-Barrault éditeurs, place de l'Odéon à Paris. - Photo Olivier Dion

Betty Mialet, Mialet-Barrault Éditeurs : « C'est une très belle rentrée, pour finir en beauté »

Tandem emblématique de l'édition française, Betty Mialet et Bernard Barrault fermeront à la fin de l'année Mialet-Barrault Éditeurs, soit cinq ans après la création de la marque chez Flammarion. Cette rentrée littéraire sera donc leur dernière, bien que Betty Mialet, interviewée par Livres Hebdo, reste encore « un moment » au sein du groupe pour assurer une transition en douceur.

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Par Souen Léger
Créé le 10.07.2025 à 17h56

À eux deux, Betty Mialet et Bernard Barrault ont œuvré plus d'un siècle dans l'édition, dont 54 ans pour la première, et plus de 60 ans pour le second. Une aventure exceptionnelle, en duo pour l'essentiel, qui prend fin avec cette rentrée littéraire, la dernière de leur marque Mialet-Barrault Éditeurs, ont-ils annoncé le 30 juin à Paris, lors de la présentation des romans des maisons du groupe Flammarion devant des libraires.

« Faire tout ça à deux était déjà un travail assez colossal, mais seule je ne m'en sentais absolument pas capable, même si nous nous sommes toujours appuyés sur la fabrication et le commercial du groupe Flammarion », explique Betty Mialet lors d'un entretien avec Livres Hebdo, évoquant le départ à la retraite de son associé qui fêtera ses 86 ans en décembre.

Fidélité aux auteurs

À la tête des éditions Julliard de 1995 à 2019, les deux éditeurs avaient quitté le groupe Editis sur fond de désaccord avec l'actionnaire principal d'alors, Vincent Bolloré, créant dans la foulée, et en plein confinement, la marque Mialet-Barrault, pensée comme une maison indépendante sur le plan éditorial. « Antoine Gallimard nous a proposé de le rejoindre et de continuer dans le groupe Flammarion (filiale de Madrigall, ndlr) », retrace Betty Mialet. À l'exception notable de Philippe Besson, tous les auteurs vedettes de Julliard les suivent, à l'instar de Philippe Jaenada, Jean Teulé, Yasmina Khadra, Mazarine Pingeot, Lionel Duroy

Des auteurs qui restent au sein du groupe Flammarion et que Betty Mialet, 75 ans, continuera de suivre « pendant un moment ». « Je ne vais pas abandonner mes auteurs précipitamment alors que je les publie parfois depuis 30, voire 40 ans », poursuit-elle. Sa collaboratrice Amélie Trébosc, qui travaillait déjà en partie pour Autrement, rejoint également la maison-mère Flammarion en tant qu'éditrice à temps plein. L'attachée de presse Agnès Dumortier avait quant à elle quitté la maison en décembre 2024. « J'ai eu besoin de six à sept personnes pour la remplacer, elle s'occupait aussi des déplacements en librairie, des salons… », salue Betty Mialet, confiant que ce départ a aussi « précipité » sa décision.

Fin de la marque

Bien qu'à l'équilibre, Mialet-Barrault avait été ébranlé par « un coup terrible », selon les mots de l'éditrice, avec la mort de Jean Teulé en 2022, véritable pilier de la maison. « Des gens plus raisonnables que nous se seraient arrêtés à ce moment-là », raconte Betty Mialet. Toujours mue par la volonté de découvrir de nouveaux talents, la structure a cependant poursuivi son chemin, jusqu'à ce clap de fin. « On s'est posé la question de garder la marque ou non. Mais on a fait tout ça à deux, et comme il n'y avait plus Barrault, ça n'avait pas de sens. En réalité, nous étions déjà un département de Flammarion, donc cela ne change pas grand-chose », explique-t-elle.

Un passage de relais avec un air de déjà-vu. En 1983, le binôme quitte les éditions Stock où ils s'étaient rencontrés, et que Bernard Barrault dirigeait, pour créer Barrault Éditions. Ils y accueillent notamment Ania Francos, Gilles Perrault, puis de jeunes auteurs plein d'avenir tels que Philippe Djian, Jacques A. Bertrand, Lionel Duroy, Michel Field, Laurent Bénégui, Jean-Luc Marty… Quand la maison ferme ses portes, en 1992, son fonds est revendu à Flammarion qui en était déjà le distributeur.

L'ultime aventure éditoriale de ce tandem emblématique s'achève donc aussi dans le giron de Flammarion. « C'est tellement exceptionnel, la force de ce duo, sa complémentarité, son enthousiasme et sa conviction pour découvrir des auteurs en permanence et les défendre », a déclaré à l'AFP Sophie de Closets, la P-DG du groupe.

Dénicheuse de talents

« Notre spécialité depuis toujours est de ne publier que des gens qu'on a découverts. Matthieu Niango sera notre dernière découverte, et pas une petite !, assure Betty Mialet. C'est une très belle rentrée, pour finir en beauté. » Le 20 août, la maison publie en effet Fardeau de Matthieu Niango, lequel a 23 ans quand sa mère lui avoue qu’elle a été adoptée. En enquêtant, il apprend qu'elle est née en 1943 dans un Lebensborn, une pouponnière nazie. De quoi soulever bien des questions sur la complexité de son héritage.

Paraissent également les romans de deux auteurs phares de la maison : La Vie, l'honneur, la fantasia de Fouad Laroui, ainsi que Un mal irréparable de Lionel Duroy. Puis, le 1er octobre, paraît Sa guerre, de Laurent Bénégui, un autre romancier culte du catalogue, qui se déroule en Syrie sur les traces d'une mère partie à la recherche de sa fille, enfermée avec des milliers d'autres anciens jihadistes dans le camp d'al-Hol.

Les deux dernières parutions de Mialet-Barrault, prévues pour l'automne, illustrent elles aussi l'esprit des associés avec l'essai du jeune Arthur Nesnidal, Confessions d'un enfant de gauche ou comment rester de gauche quand on ne supporte plus les gauchistes (à paraître le 15 octobre), et les Mémoires de la véranda de Danièle Saint-Bois (à paraître le 5 novembre), que Betty Mialet publie depuis la fin des années 1970. « Elle a 80 ans, elle a consacré sa vie à la littérature, et elle n'a jamais eu le succès qu'elle mérite, souligne Betty Mialet. C'est important, de terminer avec elle. »

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