Savoir-faire

Calligram, expansion contrôlée

Christian Gallimard - Photo DR

Calligram, expansion contrôlée

Lancée en Suisse il y a trente ans, la maison d'édition jeunesse de Christian Gallimard vient de poser un pied en Italie pour déployer - enfin ! - sa série best-seller Max et Lili au-delà de l'aire francophone. Une implantation millimétrée réseau par réseau, qui reflète l'obsession du patron et héritier pour le contrôle du commercial autant que pour les évolutions digitales.

J’achète l’article 1.5 €

Par Marine Durand,
Créé le 03.06.2022 à 14h10

En trois décennies, Max et Lili ont voulu « sauver les animaux », « être populaires », se sont « mis au hip-hop » et ont « joué les baby-sitters ». Jusque-là pourtant, les deux gamins facétieux, créés en 1992 par Dominique de Saint Mars et Serge Bloch, et dont la 130aventure paraîtra en août chez l'éditeur jeunesse Calligram, n'avaient pas passé la barrière de la langue.

Ou presque. « Nous avons fait quelques coéditions au départ, avec l'Espagne, le Brésil, la Corée ou les États-Unis, mais je trouvais que nous perdions notre temps et j'ai tout arrêté vers 1995 », se souvient le directeur de la maison suisse, Christian Gallimard. Et ce malgré un chiffre stupéfiant de 22 millions de ventes en France, Suisse, Belgique et Canada pour cette série chouchou des 6-11 ans, dont l'ensemble des couvertures seront modernisées d'ici la fin de l'année. Alors l'implantation en Italie, dévoilée lors de la dernière foire de Bologne et effective depuis le 7 avril, avec la mise en place de 80 000 exemplaires de Lilli e Max dans les librairies transalpines, ouvre une nouvelle ère de développement pour Calligram. Parti s'installer sur les rives du lac Léman au milieu des années 1980, Christian Gallimard, petit-fils de Gaston, fils de Claude et frère d'Antoine, n'a rien laissé au hasard dans son business model.

Calligram, expansion contrôlée1.jpg
Lilli si fa ingannare su internet- Photo DR

Tout ou rien

Ni cession de droits, ni coproduction donc, car « aucun éditeur étranger ne prendra le risque d'acheter tout le stock d'une collection », estime le patron, qui souhaitait installer dans la durée sa série long-seller. Autre conviction de ce fin connaisseur des réseaux de ventes, artisan il y a 50 ans de la création de la Sodis, du CDE et du département jeunesse de Gallimard, pour lequel il a développé de nombreuses coéditions internationales, « il fallait toucher simultanément tous les canaux ». Christian Gallimard le reconnaît lui-même, il est « obsédé depuis toujours par le contrôle du commercial ». En France d'abord, après avoir rompu son contrat avec Média Participations et avoir mis en place en direct la diffusion en librairie, il a mis fin aux accords avec Interforum pour les hypermarchés et a monté un système complet de gestion commerciale pour les grandes surfaces, en-dehors de tous les diffuseurs-distributeurs traditionnels de l'édition française.

Pour l'Italie, avec l'appui de sa responsable commerciale Anna Aiello, l'éditeur a négocié des accords avec un diffuseur, PDE, et des acteurs de chaque réseau de distribution : les Messageries italiennes pour la librairie, mais aussi un grossiste pour la presse, un partenaire pour les écoles, un autre pour les jouets, pour les grandes surfaces, et un contrat avec Amazon pour la vente en ligne. Les échanges avec les acteurs italiens ont même conduit à développer une formule purement digitale. Du « sur-mesure », géré à distance depuis la maison familiale de Coppet, à 20 km de Genève, qui sert de siège à l'entreprise.

Calligram, expansion contrôlée3.jpg
Lilli è innamorata- Photo DR

 

« Notre approche est un peu similaire à celle des éditeurs de DVD : on a une matrice, on change juste la langue », relève le di-recteur de Calligram, qui évoque déjà l'Espagne, la Chine ou les Pays-Bas pour reproduire ce schéma d'expansion internationale, mais se refuse à évoquer un calendrier. Si cette ouverture vers l'étranger intervient maintenant, c'est que Christian Gallimard, qui ne fait décidément rien comme tout le monde, a attendu d'être suffisamment satisfait de sa base de données de création. Voilà la clef des développements futurs, pour ce visionnaire piqué d'informatique depuis que Raymond -Queneau lui a dégotté un stage au sein du centre de recherche IBM à Paris, et qui a ramené des États- Unis la composition sur ordinateur : depuis ses débuts, Calligram repose sur un outil de gestion des données numériques - DAM, pour Digital Asset Management, en anglais - sophistiqué, qui a déjà évolué « trois ou quatre fois », qui offre la possibilité de décliner la licence Max et Lili. C'est ce qui a permis l'entrée de Calligram dans le département parascolaire, avec des cahiers de vacances puis des cahiers de soutien sous le label Calligram Éducation, et la sortie début juin du premier manuel scolaire Max et Lili, calibré sur les programmes de l'Éducation nationale. Les développements pour les Pays-Bas et l'Italie sont déjà faits et des études sont en cours pour l'Espagne et le Portugal. Le DAM a aussi facilité le développement de supports e-learning, que la maison suisse prévoit de louer à des bibliothèques.

Calligram, expansion contrôlée4.jpg
Lilli e Max vanno dai nonni- Photo DR

En famille

Christian Gallimard n'a pas eu à chercher bien loin pour dénicher les compétences adéquates, puisque sa fille cadette, Clémence, a créé sa propre société d'apprentissage en ligne en Suisse, et a piloté naturellement cette diversification. D'ailleurs, chez les Gallimard, les affaires se font en famille. Tandis que Pauline, l'aînée, gère la direction artistique de la maison, Robin, le petit dernier, entré chez Amazon Studios après un cursus en informatique, a programmé l'application Max et Lili en mettant l'accent sur l'interactivité. De son côté Adrien, le fils aîné, qui avait été nommé directeur général adjoint de Calligram en 2020, s'est mis en retrait avec l'objectif de lancer sa société dans la finance.

Calligram, expansion contrôlée5.jpg
Max e la passione per il calcio- Photo DR

 

Si ses enfants plaident aujourd'hui pour une modernisation plus rapide de l'entreprise, le fondateur de Calligram doit surtout arbitrer entre le développement de l'international et du digital. Il n'a pas fini d'innover. Outre une vidéo Max et Lili sur le harcèlement scolaire, qui devrait être mise en ligne en septembre, le dernier projet en cours a été développé en priorité pour l'Italie, et n'a pas d'équivalent actuel, puisqu'il se situe « à mi-chemin entre le webtoon et le podcast, avec des images que l'on fait défiler sur le smartphone et auxquelles nous ajoutons des animations ». Le prototype, encore tenu secret au moment de notre bouclage mais dévoilé au grand public lors de la foire internationale du livre de Turin, le 19 mai, aurait déjà séduit une entreprise canadienne, qui envisagerait de le vendre par abonnement aux écoles et bibliothèques. La présentation du pilote en France devrait intervenir en août, au moment des 30 ans de Calligram, mais Christian Gallimard a été un peu débordé par les marques d'intérêt et pourrait lâcher du lest. Sans jamais perdre le contrôle.

Calligram, expansion contrôlée6.jpg
Lilli vuole difendere la natura- Photo DR
Calligram, expansion contrôlée7.jpg
Mise en situation Max et Lilli en italien.- Photo DR
Calligram, expansion contrôlée8.jpg
Mise en situatio Max et Lilli en italien.- Photo DR

Les dernières
actualités