Avant-critique Roman graphique

Carlos Giménez, "Paracuellos, vol. 3" (Fluide Glacial)

Paracuellos, vol. 3 - Photo © Carlos Giménez-Fluide Glacial

Carlos Giménez, "Paracuellos, vol. 3" (Fluide Glacial)

Dans le troisième et dernier volume de son chef-d'œuvre autobiographique Paracuellos, Carlos Giménez fait le bilan de ses années d'enfance passées en internat sous Franco.

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Par Anne-Claire Norot
Créé le 01.07.2025 à 14h00

Les cendres du foyer. De 6 à 14 ans, Carlos Giménez, né en 1941, a passé huit années dans des foyers de l'Assistance sociale espagnole alors que le pays était sous le joug de Franco. C'est cette jeunesse, faite de brimades, de punitions, de privations, de violences, qu'il raconte depuis 1976 dans sa série Paracuellos, chef-d'œuvre récompensé dès 1981 à Angoulême. « Je souhaitais donner à ces bandes dessinées un aspect documentaire », explique ce précurseur de la BD autobiographique dans la préface de ce troisième et dernier tome de l'intégrale de ses souvenirs d'enfance. Carlos Giménez, qui a par ailleurs raconté son adolescence et ses débuts dans la BD dans Barrio et Les professionnels (Fluide Glacial, 2011, 2012), n'a eu de cesse au cours de sa carrière de livrer un témoignage à la fois intime et universel sur les affres de la vie sous le franquisme.

Ce dernier volume de Paracuellos, qui peut se lire indépendamment des deux précédents, s'ouvre alors que Pablito, l'alter ego de l'auteur, apprend que sa mère vient de sortir de sanatorium et qu'il va enfin pouvoir quitter le foyer pour la rejoindre. Il n'est pas le seul à partir. Certains de ses camarades vont rentrer chez eux, d'autres aller étudier ou apprendre un métier. Pour tous, comme pour le Carlos Giménez d'aujourd'hui, c'est un peu l'heure du bilan. Et à travers ces adolescents, d'un trait qui s'est épuré mais n'a en rien perdu de son incroyable expressivité, l'auteur enchaîne des anecdotes. Les gamins passent en revue leurs souvenirs, comparent leurs terribles expériences : les mauvais traitements infligés par les pères et les instructeurs phalangistes, la soif qui les tenaillaient au foyer Paracuellos où un seul verre d'eau était autorisé par jour, les fugues ratées et les copieuses raclées qui ont suivi. Mais Pablito et les autres ont grandi, ils arrivent maintenant à en rire, et leurs discussions enjouées sont une habile astuce de mise en scène pour alléger un peu le récit. Carlos Giménez évoque par ailleurs quelques aspects moins sombres : la débrouillardise, les rêves qui les faisaient tenir, les amitiés solides malgré les embrouilles, la passion de la lecture et de la BD, la bienveillance de quelques adultes, comme ce père, dessinateur à ses heures, dispensant des conseils à Pablito. En épilogue, Carlos Giménez lève le voile sur ce que sont devenus certains de ses amis. On est rassuré. « On peut voir l'échec de ces idéologies rétrogrades et fanatiques [...] dans le fait que ces enfants de l'Espagne franquiste, les internes de ces "foyers" et les autres [...] sont devenus en grandissant [...] ceux-là mêmes qui ont rendu possible la démocratie en Espagne. La démocratie bénie qui m'a permis de raconter librement ces histoires de Paracuellos », conclut-il.

Carlos Giménez
Paracuellos, vol. 3
Fluide glacial
Traduit de l'espagnol par Maëlle Mas
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 23,90 € ; 144 p.
ISBN: 9791038208889

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