Dans les ombres de l'histoire. La vie de Catherine Clément s'apparente à un roman. Philosophe, essayiste et romancière, elle a parcouru de nombreux pays, et à plus de 80 ans, elle revient sur ses racines houleuses. L'histoire démarre avec la rencontre de ses parents. Un couple inattendu qui a dû se battre contre l'adversité. « Yves était catholique. Raymonde était juive. » Cela ne plaît guère à leurs familles respectives, d'autant qu'en 1937, on ressent déjà un parfum politique inquiétant. Un an plus tard, la donne change. Raymonde est enceinte, alors les parents du duo font front commun pour entourer « ces deux jeunes gens dans l'approche de la guerre » qui menace clairement les Juifs d'Europe. La petite Catherine voit le jour alors que « les grandes personnes sont terrifiées ». Baptisée, elle est envoyée à la campagne avec ses grands-parents paternels, afin d'échapper aux menaces pesant sur sa personne. Mais elle ne sera épargnée ni par la peur ni par les bombardements. Entre-temps, ses parents essayent de s'en sortir à Paris. Raymonde y a ouvert une pharmacie, qui recueille un oiseau de mauvais augure. Le D^r Samuel Schütz se présente comme un réfugié juif allemand.

Quel n'est pas le choc des Clément en découvrant la véritable identité de ce médecin militaire qui s'avère membre de la Wehrmacht. Mais l'habit ne fait pas le moine ! Antinazi, il révèle peu à peu appartenir à « la fameuse cinquième colonne remplie d'espions ». Aussi est-il aux premières loges pour préserver Raymonde et les siens du mieux qu'il peut. « Comment vous remercier ? En restant vivant. » Ses parents à elle, Georges et Sipa Gornick, fuient dans l'espoir d'échapper aux déportations. Mais l'Histoire est un rouleau compresseur qui avance à une vitesse folle.

Construit comme un puzzle précis, ce livre percutant mêle brillamment le récit de ces êtres oubliés et les événements historiques en cours. L'Homme étant capable du meilleur comme du pire, plus on avance, plus c'est glaçant, d'autant que la guerre en Ukraine résonne comme un déjà-vu inquiétant. Catherine Clément ravive la mémoire de ses proches avec une émotion sincère et pudique. Elle rend aussi hommage aux héros méconnus et à la force de la vie.