Reconversion

-Catherine Gaultier, libraire sur le tard

Catherine Gaultier. - Photo Clarisse Normand/LH

-Catherine Gaultier, libraire sur le tard

Bonne connaisseuse de l'univers des TPE, -Catherine Gaultier s'est lancée dans la librairie en 2015 en créant Lajarrige, à La Baule, avant d'en ouvrir une deuxième l'été dernier au Pouliguen. Histoire d'une reconversion professionnelle réussie. _ par Clarisse Normand

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Par Clarisse Normand
Créé le 23.10.2018 à 12h54

Libraire de bord de mer ». Tel était le projet de Catherine Gaultier lorsqu'elle a ouvert en 2015 à La Baule une librairie généraliste de 100 m2. Elle l'a baptisée Lajarrige, du nom de l'avenue où elle est située, à deux pas de la plage et de la grande artère qui longe la baie.

« Je voulais recréer ce que j'avais connu enfant lors de mes vacances à Saint-Malo. Il y avait une librairie-maison de la presse près de la plage où je passais mon temps à lire », se souvient celle qui n'est devenue libraire qu'à 50 ans, découvrant à cette occasion « une profession extrêmement généreuse vis-à-vis des nouveaux entrants ».

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Avant d'ouvrir, elle a effectué plusieurs stages en librairie : chez Nouvelles Impressions à Dinard, Le Renard à Paimpol et Dédicaces à Rueil-Malmaison. « Qu'il s'agisse de Thierry de La Fournière, de Valérie et Benoît Le Louarn ou encore de Fabrice Blondeau, tous m'ont parlé avec beaucoup de transparence de leur activité et de leurs chiffres, se réjouit-elle. Peut-être parce qu'ils ont eux-mêmes opéré une reconversion. Toutefois, je ne suis pas sûre que l'on trouve un tel accueil dans de nombreuses professions. » Elle-même a fait forte impression auprès de ses futurs collègues. « Elle était déjà au taquet et très affûtée sur beaucoup de sujets », se souvient Benoît Le Louarn (Le Renard).

Les pieds sur terre

Grande lectrice depuis l'enfance, Catherine Gaultier a travaillé de longues années avec son mari, chef de petites entreprises, et revendique « les pieds sur terre et une bonne vision de tous les aspects économiques et financiers d'une TPE ». « Bonne élève », elle est diplômée d'une école de commerce. « Je ne m'étais jamais vue libraire, assure-t-elle. Mais quand je suis venue m'installer en famille à La Baule en 2001 et que j'ai découvert la librairie Le Hall des informations, un magasin de 450 m2 à deux pas de la plage, un déclic a eu lieu. Cela m'a renvoyée au souvenir de Saint-Malo, à la librairie près de la plage mais aussi aux virées en 2 CV avec ma grand-tante qui m'emmenait à la bibliothèque de Saint-Malo où elle travaillait. Au fond, la mer et les livres sont ce que j'aime le plus au monde. » Elle perçoit le potentiel du Hall des informations et envisage une reprise. Mais celle-ci n'aboutira pas. L'établissement fermera définitivement ses portes en 2012. Avec 16 000 habitants à l'année et 120 000 l'été, La Baule ne compte alors plus qu'une maison de la presse et une librairie-presse dans la galerie du Casino Barrière.

Entre-temps, Catherine Gaultier, mère de quatre fils, est partie vivre un an au Canada avec sa famille. Revenue à La Baule et séparée de son mari, elle reprend des études en sciences humaines et sociales, mention économie sociale et solidaire. Elle travaille sur un projet de recyclerie sur la presqu'île de Guérande quand elle est recontactée pour reprendre une partie de l'ancien local du Hall des informations. Forte d'une formation de quinze jours à l'Institut national de formation à la librairie (INFL) en 2010, elle n'hésite pas longtemps et se lance. « Motivée, déterminée et intelligente », se souvient Dominique Bonnichon (ex-représentant Grasset), Catherine Gaultier achète les murs de son magasin. « C'était une condition sine qua non de mon projet », souligne l'entrepreneuse, consciente de « la problématique du foncier en bord de mer ».

Sachant que les conditions commerciales obtenues à l'ouverture de ses comptes conditionneront la viabilité de son entreprise, elle présente Lajarrige à ses fournisseurs comme une reprise du Hall des informations, plutôt que comme une création. Encore « étonnée du manque de transparence dans les échanges et de l'incroyable déséquilibre des relations », elle souligne l'importance d'être accompagnée par l'Adelc pour gérer cette étape clé. « On a affaire à une sorte de distribution sélective où il faut être adoubé pour pouvoir ouvrir un compte à des conditions correctes. Or on sait qu'une activité, ayant une marge nette inférieure à 30 %, ne peut pas être rentable, quel que soit le secteur ! »

Disposant d'une bonne approche entrepreneuriale, mais ne connaissant pas le métier, elle s'adjoint immédiatement d'une libraire expérimentée. « En l'observant j'ai beaucoup appris », reconnaît Catherine Gaultier, qui a toujours aimé parler des livres mais a ressenti un fort sentiment d'imposture quand elle est devenue libraire. « Du jour au lendemain, on m'a conféré des connaissances que je n'avais pas forcément. J'ai pris conscience de l'ampleur de mon ignorance et j'ai dû apprendre à dire "je ne sais pas". Mais les clients, tellement contents de voir revenir une librairie à La Baule, ont fait preuve de bienveillance à mon égard. »

Comme on va
à la plage

Concevant la librairie de bord de mer comme « un loisir, un lieu où l'on vient se balader comme on va à la plage », elle met l'accent sur la littérature, la jeunesse et les essais, mais propose aussi tous les rayons d'une librairie généraliste ouverte à l'année. Son assortiment de près de 14 000 références, intègre même une petite offre en poésie, théâtre et quelques livres pour les malvoyants. « J'ai trois-quatre clients malvoyants. L'offre que je leur propose est un service. En tant que librairie de proximité, cette logique de services me semble essentielle, d'autant que j'ai une clientèle à l'année plutôt âgée. »

« Souriante, bienveillante, à l'écoute des clients », résume Fabrice Blondeau (Dédicaces, à Rueil), Catherine Gaultier impose très vite sa librairie. Elle affiche un chiffre d'affaires de 724 000 euros pour son dernier exercice clos le 30 septembre 2018. Pour Pascal Usureau, représentant chez Interforum, « c'est l'histoire d'une reconversion réussie ».

Après des premières années « consacrées à l'image et au chiffre d'affaires », la libraire entend désormais « travailler à l'amélioration de la marge ». Elle veut « rationaliser les frais de transport » ou encore, compte tenu de la saisonnalité de l'activité, « optimiser la masse salariale ».

Car Catherine Gaultier a embauché une quatrième personne pour tenir la Librairie du Pouliguen, « un point de vente annexe de 60 m2 », ouvert en juillet dans la ville voisine. Si la saisonnalité y est encore plus marquée qu'à La Baule, « l'implantation fait sens dans cette ville balnéaire qui n'avait plus de librairie depuis quarante ans. L'été, les vacanciers de la presqu'île de Guérande viennent au Pouliguen, mais pas à La Baule, trop embouteillée. »

La nouvelle librairie capte aussi, par sa proximité géographique, les habitants du quartier huppé de La Baule, Casino Benoît. D'autant que, depuis septembre, la -librairie-presse du Casino Barrière a fermé.

Pour augmenter encore son activité hors saison, Catherine Gaultier envisage aussi de se lancer dans les rencontres et animations. « Mais il faut être à la hauteur », estime celle qui « commence seulement à pouvoir dire "je suis libraire". Jusqu'alors je disais : je suis gérante de librairie ou j'ai une librairie, précise-t-elle. Encore deux ans et je -serai une vraie libraire. »

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