Chez Borders, "Tintin au Congo" n’est pas leur tasse de thé

Chez Borders, "Tintin au Congo" n’est pas leur tasse de thé

En Grande-Bretagne, "Tintin au Congo" fait des remous. Jugé raciste, l’album a été retiré des rayons « livres pour enfants » dans toutes les librairies Borders. Christian Vallar, professeur de droit public à l’Université de Nice-Sophia Antipolis nous livre son analyse.

avec vlg Créé le 15.04.2015 à 22h43

Tintin baillonné et placé dans une marmite par une tribu africaine. Cette scène, maintes fois vue en France depuis la parution de Tintin au Congo en 1930, n’est apparemment pas du goût des Anglais. Saisie par un certain David Enright, la Commission pour l’égalité raciale (CER) britannique, l’équivalent de notre Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité), a déclaré que le titre constitué un « terrible préjudice racial ». Le groupe américain Borders a donc décidé, jeudi 12 juillet, de le retirer des rayons « littérature enfantine » pour l’installer dans la section adulte. Une mesure insuffisante selon le CER qui souhaite le retrait pur et simple à la vente de Tintin au Congo. Egmont, l’éditeur de l’album en couleurs envoyé par David Enright au CER, avait pourtant pris soin de faire figurer une page explicative du contexte historique de colonialisme triomphant belge de l’époque. Il en a malgré tout vendu 30 000 depuis 2005.

Une démarche hypocrite
Concernant le déplacement du rayon « enfants » au rayon « adultes », Christian Vallar, professeur de droit public à la faculté de Nice – Sophia Antipolis pointe « l’hypocrisie » de la démarche. En effet, « un enfant pourra toujours lire l’album acheté par son père ». En France, la loi du 16 juillet 1949 relative aux publications destinées à la jeunesse a organisé un système de contrôle administratif préalable s’étendant bien au-delà des parutions « jeunesse ». Ainsi un ouvrage de littérature générale pour un public adulte peut, s’il présente un danger pour la jeunesse en raison de la place faite à la discrimination ou à la haine raciale, faire l’objet d’une interdiction soit de toute publicité, soit d’exposition à la vue du public, soit de vente à des mineurs; ces mesures pouvant être cumulatives. C’est sur le fondement de ce texte que, par exemple, l’éditeur de livres pour adultes Jean-Jacques Pauvert a été poursuivi pour un texte de Sade, 120 Journées de Sodome. Déjà en Grande-Bretagne, une autre aventure de Tintin, Le lotus bleu avait dû attendre les années 80 pour paraître, du fait de la susceptibilité entretenue à propos de la concession de Shanghaï.
Du côté des ayant-droits, on se déclare surpris : ' Nous avons été surpris car nous pensions la controverse terminée mais nous pouvons comprendre les suceptibilités ' a déclaré à l’AFP Marcel Wilmet, porte-parole du Studio dirigé par la veuve de Hergé, Fanny Rodwell.

Tintin chez les Anglais
Pour le professeur de droit, « il est anachronique de faire une critique a posteriori. Surtout qu’il s’agit d’une édition de 1930, largement diffusée. L’antériorité de la parution n’est pas une garantie mais un argument viable ». Traduit en 35 langues, Tintin au Congo n’a été découvert par le public anglais qu’en 1987 dans une version noire et blanche publiée par le French & European Pubns. Tintin n’est pourtant pas tout à fait ignoré du public britannique qui a pu lire ses premiers albums dès 1957. « Cette décision est surprenante venant de l’Angleterre, pays généralement plus ouvert que nous » analyse Christian Vallar. Selon lui, même si la procédure de retrait des rayons enfants serait techniquement possible en France, « il y aurait peu de chance pour qu’elle ait du succès devant le tribunal ».

15.04 2015

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