Un mois après la troisième et dernière vague d’arrivée des collaborateurs d’Editis au siège réaménagé et six semaines avant celle des équipes de CMI France à la même adresse du 92, avenue de France (Paris XIIIe), Livres Hebdo a pu découvrir la nouvelle disposition et échanger avec les salariés présents.
Première constatation : dans les trois étages parcourus du bâtiment de 22 000 m2 sur huit étages, l’absence de plateaux « open space ». De la surface allouée à la direction générale à celles pour Robert Laffont, la fabrication ou la diffusion, c’est une succession de salles à géométrie variable qui s'offre au regard, ici dédiée aux tête-à-tête, là pour de plus grandes réunions, sinon en bureau.
« Franchement, on est bien mieux loti que ce à quoi on s’attendait », résume Sofia Bengana, secrétaire générale de la Littérature. Une formule reprise par Pascal Rus, directrice générale adjointe en charge des RH. « Les collaborateurs reviennent très agréablement surpris par ce qu'ils découvrent, parce qu'il y avait quand même une vraie appréhension », reconnaît-elle.
Un chantier tenu dans les délais
Le pari - risqué - de réintégrer tous les collaborateurs en septembre après quatre mois hors du siège a été tenu et « c’est une grande réussite », au prix d’un été sacrifié pour les responsables du projet et les 150 ouvriers du chantier. Reste encore à finir les travaux sur les deux étages réservés à CMI, dont l’arrivée des 700 collaborateurs est programmée au 1er décembre, et les finitions prévues jusqu’à la fin de l’année.
La réduction de 26 % des surfaces pour Editis s'accompagne d'une généralisation du flex office. Pour 1 400 salariés du groupe potentiellement présents, le site dispose désormais de 1 080 à 1 100 postes de travail. Un ratio établi sur des données précises. « On a étudié les présences sur le site de janvier à septembre 2024 avec notre système de badgeage et le pic s’est avéré à 850 et la moyenne à 700 » collaborateurs en même temps, détaille Pascal Rus.
Les équipes commerciales et de diffusion, déjà organisées en bureaux partagés, n'ont pas été déstabilisées. « Le vrai changement d’organisation pour nous a été lors de notre arrivée au siège il y a trois ans », confirme Stéphane Vincent, directeur des diffusions France. Depuis, « on était déjà organisés en bureau partagé : ce bureau, je l’occupe trois jours par semaine et j'ai une collègue les deux autres jours ».
Pour d'autres services, le changement est plus marqué. Pascal Rus observe néanmoins un phénomène inattendu sur le détachement des espaces de stockage, pourtant l’un des points d’achoppement avec les équipes lors de l’élaboration du projet. En revenant au siège après quatre mois de télétravail forcé, tout le monde a eu envie « de revivre un peu de manière allégée », modifiant les habitudes. « On sait finalement travailler de manière un peu différente, avec moins de rangement, avec moins de papiers », analyse la DRH.
Adaptation aux spécificités de l'édition
L’équipe projet, formée de deux personnes à temps plein, a travaillé avec chaque maison pour adapter les espaces. « On a créé des salles de réunion communes à tout le monde et des salles privatives à chaque espace » dédié aux marques, dont la surface allouée dépendait « du nombre de collaborateurs », précise Aurélien Jablonski, responsable des services généraux du groupe depuis son arrivée en 2020, et installé dans l’immeuble depuis sa construction en 2003. Au 8e étage, l'équipe de « Robert Laffont a par exemple décidé de transformer une salle de réunion potentielle en espace privatif pour recevoir un auteur, avec un petit canapé et une petite table », note Laure Moulin, l’architecte d’intérieur missionnée sur le projet.
À l'inverse, les équipes marketing du groupe, qui ne reçoivent pas d'auteurs, ont privilégié plus de postes de travail. « On est très serré tous les lundis, jour de présence de l’ensemble de l’équipe, confie Fanny Ruph, directrice du marketing et de l’innovation, mais le reste de la semaine est organisé en roulement des collaborateurs sur place ». Même constat de roulement ailleurs dans les étages, au bureau dédié à la création des couvertures notamment, où une équipe de six a obtenu quatre postes.
Pour le planning, « la variable d’ajustement reste les apprentis » qui ont un rythme particulier avec des jours ou semaines à l’école, ont confirmé des salariés de plusieurs entités différentes. Selon les zones, Livres Hebdo a pu cependant constater des écarts d’isolation sonore. « Il y a encore des réserves sur certaines cloisons », confirme Laure Moulin. Chez Belfond, au 7e, on se sent plus à l'étroit « mais l'envie d'en finir avec l'éloignement forcé » a dissipé les insatisfactions liées au projet, souffle Caroline Ast, la dirigeante.
Du côté des services de fabrication, « on mutualise les salles et tout ce qui est service courrier, mais en conservant les spécificités de chacun », explique Nathalie Hassoun, directrice des fabrications. Le réaménagement a permis de rassembler les trois équipes sur un même étage avec plusieurs points positifs à la clé dont celui de passer de la « cave » (sic) du 1er étage au 6e, avec beaucoup plus d’éclairage naturel, voire une petite vue sur la Seine.
Arrivée et cohabitation avec CMI France
« Cela nous permet d'avoir une cohérence des métiers et de mutualiser des moyens de stockage », souligne Nathalie Hassoun, expliquant que dorénavant, « on est ensemble avec les achats et le bureau d'études ».
Les bibliothèques pour stocker les ouvrages ont été intégrées dans les circulations. « Il y a des endroits où il y a plus de volumes de livres, ça fait partie des spécificités métiers », note Aurélien Jablonski, qui confirme que les besoins des salariés de CMI ont été différents.
CMI France occupera le deuxième étage au complet et les trois quarts du troisième ainsi qu’une zone du rez-de-chaussée. « On n'est pas les seuls à avoir besoin de faire des économies, d'avoir un impact significatif sur nos résultats », contextualise Pascal Rus. « On a fait le choix de rester ici parce que ces locaux sont superbes et qu'on est extrêmement bien placés en termes de métro, RER, bus », rappelle-t-elle.
La question des espaces partagés a été anticipée. Au sous-sol, trois zones de restauration offrent désormais 440 places assises contre 320 auparavant. « On aura environ 800 couverts par jour, donc deux services de 11 h 45 à 14 h 30 », précise Aurélien Jablonski. Le parking compte 122 places, dont 32 réservées à CMI France. « Hier mardi, il y avait 63 véhicules dans le parking, on se rend compte qu'il y a de la place », observe-t-il.
Pascal Rus minimise les inquiétudes exprimées début septembre dans la presse. « Ce n'est pas le même métier, mais on voit qu'il y a beaucoup de synergies, assure-t-elle. On a déjà des équipes qui travaillent régulièrement ensemble entre CMI et Editis ».
Un temps d'adaptation jusqu'à fin 2025
Le groupe se donne jusqu'à la fin de l’année pour évaluer l'organisation. « Fin décembre, on fera un bilan et on verra s'il y a des choses à modifier », indique Pascale Rus.
Des webinaires et formations ont été mis en place pour accompagner « les managers et les collaborateurs dans le nouvel espace de travail avec les nouvelles règles de vie ». Un détail révélateur des changements : la moquette, qui « nous a changé la vie », selon Sofia Bengana. « Moi qui avais l'habitude de reconnaître les gens au pas, je suis très frustrée parce que je ne reconnais plus le pas énergique de Marie-Laure », sourit-elle en concluant « qu’on est déçu en bien ».
Rencontrée quelque temps avant cette visite organisée par la direction du groupe, une patronne de maison avait confié à Livres Hebdo : « Si cela n’avait tenu qu’à moi, j’aurais bien gardé un bureau avec une porte fermée pour passer mes appels confidentiels, mais c’est le sens de l’histoire ».