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Pour être libraire à Marseille, « il faut avoir les reins solides », admet Agnès Gateff, gérante, avec Corinne Marziou, de L'Attrape Mots, située sur la rue Paradis, la plus longue de la ville. Depuis sa création, il y a presque 17 ans, la librairie a failli fermer à plusieurs occasions. « Au fil des années, nous avons effectué une augmentation de capital mais aussi du crowdfunding. Dernièrement, nous avons transformé notre espace d'exposition en lieu de coworking », explique celle qui est aussi vice-présidente de l'association Libraires du Sud, qui regroupe une soixantaine de ses confrères et consœurs. Marseille figure parmi les 20 communes françaises avec le plus haut taux de chômage, soit 11,9 % de la population active, d'après les données de l'Insee par zones d'emploi au 4e trimestre 2018. Surtout, la « bourgeoisie marseillaise lit peu », déplore Nadia Champesme, de la librairie Histoire de l'œil. La ville compte 23 librairies pour 861 635 habitants*. Un seul géant, la Fnac, est implanté en centre-ville, quand Cultura est à La Valentine, et l'Espace culturel E. Leclerc à Sormiou.

Les fermetures de librairies sont fréquentes. Après la disparition de Pharos, Brahic ou Païdos, Lumières d'août a tiré sa révérence un an après son ouverture. La pression foncière et les difficultés d'accès au centre-ville en voiture font aussi partie des raisons invoquées par les professionnels pour expliquer ce fort taux de mortalité.

Dès lors, les libraires marseillais s'entraident pour soutenir leur réseau. En 2013, lorsque la ville a été élue capitale européenne de la culture, Maupetit, L'Odeur du temps et Histoire de l'œil se sont associées pour ouvrir des boutiques éphémères au sein des musées, mais aussi, à la Friche la belle de mai, un espace librairie aujourd'hui autogéré.

 

*Insee 2015.

Histoire de l'œil des livres et d'autres formes d'art

La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

A quelques mètres de la Plaine se situe Histoire de l'œil, librairie de 60 m2 gérée par une figure engagée de la scène littéraire marseillaise, Nadia Champesme. Ancienne présidente de l'association Libraires du sud, cette professionnelle organise depuis trois ans, avec l'éditrice Fabienne Pavia, le festival Oh les beaux jours !, des rendez-vous multidisciplinaires qui mettent à l'honneur la littérature sous une forme ludique.

Dans son espace de la rue Fontange, ouvert depuis novembre 2005, Nadia Champesme propose sur 80 m2 au moins 7 000 ouvrages aux formes contemporaines diverses qui font la part belle au graphisme, notamment les beaux livres. Si la fiction est bien représentée, le rayon consacré à la photographie est l'un des plus nourris de la ville. Les rencontres et les expositions ont lieu sous une véranda vitrée qui donne sur un arbre, sur lequel trône une cabane en bois. Trois salariés travaillent dans cette librairie indépendante.

L'Odeur du temps posture critique

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Si le gérant de L'Odeur du temps, implantée à quelques mètres du Vieux-Port, défend une offre généraliste, sa librairie, créée en 1985, tient une place particulière dans le panorama des librairies de Marseille grâce à son fonds en sciences humaines, notamment en psychanalyse et en philosophie. Roland Alberto définit sa librairie « critique » par ses « élections et non pas par des sélections ». Pas besoin de se pencher pour découvrir le rayon poésie qui occupe ici une place importante du premier étage. Les nouveautés sont classées suivant des thématiques contemporaines comme l'écologie politique ou la gentrification, à travers des ouvrages d'urbanisme et d'architecture, entre autres. Au total, la librairie présente 20 000 titres dans « l'alternative à la prescription médiatique qui régente le livre ». « Nous avons survécu malgré le renouvellement complet du quartier, qui n'en est plus un, en raison de la pression foncière, se félicite Roland Alberto, gérant depuis 1997. Mais aussi malgré la pression du marché, compte tenu de la surproduction éditoriale. »

Maupetit la centenaire redynamisée

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Sur la partie haute de la Canebière, Maupetit est la plus grande librairie de Marseille avec 1 250 m2 et 33 salariés. Créée en 1919 par Ernest Maupetit, elle a d'abord été multispécialiste, versée dans le scolaire, l'universitaire ou encore le médical. Mais elle a traversé des années 1970 aux années 1990 une longue période de fragilité financière. Elle se redresse en 1998 avec sa reprise par Actes Sud. Confortée par un actionnaire solide, la librairie ouvre un rayon bande dessinée, renforce sa place en littérature et multiplie les activités dans sa salle d'expositions. En outre, depuis 2013, elle détient un deuxième point de vente au Mucem, le nouveau musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée. Le gérant, Damien Bouticourt, conditionne l'avenir de la librairie aux effets de la gentrification de la partie haute de la Canebière. « L'arrivée du tramway et les installations de magasins Monoprix et Naturalia juste à côté de chez nous sont des signes importants », se réjouit-il. La librairie multiplie les actions à l'adresse de publics différents, prêtant notamment sa salle à plusieurs associations de la ville.

L'Hydre aux mille têtes branchée sur son quartier

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A quelques pas du chantier qui recouvre la Plaine, dans le 1er arrondissement de Marseille, L'Hydre aux mille têtes a été créée tout récemment, en mai 2018, par deux trentenaires, Mathilde Offroy et Lucas Thouy. Cette librairie généraliste de 120 m2, dont 80 m2 dédiés à la vente, s'est fondue dans le quartier grâce à ses rencontres hebdomadaires. L'équipe de la librairie organise des apéros concerts et des expositions. Elle s'est déjà introduite en mai dans le programme du planning familial avec une rencontre littéraire sur le féminisme, comme dans celui du Vidéodrome, le café-cinéma et vidéo-club du quartier. Avec 8 000 références, « assez tournées vers les sciences humaines et moins vers la littérature contemporaine », ces deux ex-libraires de Terra Nova (Toulouse) tirent un premier bilan positif. Associés en Scop, avec une présidence tournante chaque année, ils accueilleront un libraire en contrat professionnel dès septembre.

Pantagruel partenariats tous azimuts

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Alors que le 7e arrondissement marseillais était privé de librairie depuis près de quinze ans, Pantagruel est venue combler ce manque en 2016. Fondée par Emilie Berto, Pauline Fougère et Chiara Pancotti, cette librairie généraliste de 65 m2, dotée d'un espace jeunesse plein de coussins et de jeux, se trouve dans l'un des quartiers les plus aisés de la ville. « Nous travaillons beaucoup avec des enfants car la librairie est entourée de nombreux établissements scolaires », justifie Emilie Berto, qui travaille avec deux collaborateurs à temps partiel. Pour « encourager le lien social », Pantagruel établit des partenariats avec la pizzeria ou la cave à vins du quartier. La librairie a créé son propre prix littéraire et participe en parallèle au prix du Livre jeunesse organisé par Libraires du Sud avec la ville de Marseille. Avec 7 000 références, 4 000 fiches clients et un panier moyen de 23 euros, elle affiche pour 2018 un chiffre d'affaires de 345 000 euros.

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