1er mars > Essai France > Michel Murat

Avec "Poétique" au Seuil, "Les essais" est l’une des rares collections dédiées à la critique littéraire universitaire. Récemment, l’étude d’Alexandre Gefen, Réparer le monde (Corti, 2017) (1), examinait une tendance thérapeutique dans la fiction contemporaine. Dans Le romanesque des lettres, Michel Murat s’attache à analyser la littérature et son rapport au réel. Le sujet n’est pas si éloigné puisque romancer le monde, c’est déjà une manière de se l’approprier, à défaut de le réparer. Il explique d’ailleurs en quoi tout événement peut être vécu de façon romanesque à la faveur des circonstances.

Ce spécialiste de Julien Gracq, professeur de littérature française (université Paris-4 Sorbonne) et ancien directeur du département Littérature et langage (Lila) à l’ENS, observe ce tête-à-tête de la littérature et du réel depuis l’époque romantique. De Sainte-Beuve à Sartre, il montre que tout peut être lu et vécu comme un roman. L’expérience littéraire s’affirme dans l’idée qu’on se fait de la vie. "La littérature est un sujet de roman", annonce d’emblée Michel Murat. On pense évidemment à Paludes de Gide, "un roman à clé allégorique de soi-même", mais l’on s’aperçoit en compagnie de cet expert que les exemples sont bien plus nombreux, de Flaubert à Beauvoir, de Musset à Aragon. Aujourd’hui, on retrouve ce "romanesque des lettres" dans le tiraillement entre l’autofiction et l’exofiction, avec des Barthes ou des Mengele qui deviennent sujets de roman.

"Une bonne histoire littéraire se lit comme un roman." Cet essai n’en adopte pas les critères, mais Michel Murat circule avec aisance dans une documentation qui reste familière à tous ceux que la littérature intéresse. L. L.

(1) Voir son interview dans LH 1148, du 3.11.2017, p. 18.

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