16 AVRIL - HISTOIRE Etats-Unis

Les Allemands et les nazis, ce n'est pas la même chose. Et pourtant. Le travail de cet historien américain dont les parents sont nés à Berlin sous la République de Weimar ne fait pas dans la demi-mesure. Peter Fritzsche enseigne à l'université Urbana-Champaing, dans l'Illinois, et ce qu'il raconte à de quoi troubler.

En s'appuyant sur quantité d'archives, de journaux et de mémoires de l'époque dont trois récits particulièrement significatifs, il reconstitue la vie quotidienne du peuple allemand écrasé par le nazisme et fasciné par lui. Il fait souvent appel aux écrits de Victor Klemperer, mais cite aussi ceux de Charlotte Delbo, pour tenter de saisir cet engrenage : comment les Allemands ont considéré la mise au pas de leur société, la confiscation de leur démocratie, les persécutions, les massacres et enfin la guerre totale engagée par le régime. Selon lui, après avoir perdu la guerre, l'Allemagne avait perdu la tête. Ne s'étant pas remise de 1918 et du sentiment de déchéance, les nazis lui ont fait croire qu'ils allaient panser les plaies de l'histoire. Pour Fritzsche, c'est moins la revanche sur le traité de Versailles, qui obsédait Hitler, que l'extension d'un espace vital à l'Est, avec l'établissement d'une nouvelle race aryenne débarrassée des Juifs.

Parue en 2008, cette étude s'impose moins par son opinion - elle n'est pas nouvelle - que par l'exploitation des documents. Pour l'historien, ces correspondances et ces journaux intimes "offrent un aperçu précieux des efforts réalisés par les Allemands pour accepter le national-socialisme". Ils furent aidés, il est vrai, par une propagande nazie qui leur vendait des autoroutes, du chômage en baisse et de l'avenir au détail. Le sociologue Siegfried Kracauer avait déjà évoqué à ce propos une mise en scène, à la façon d'un film, pour installer les Allemands hors de la réalité.

Bercés par cette fiction, "la plupart des Allemands se rallièrent au consensus antisémite "exterminateur" des dirigeants nazis, lesquels osèrent simplement mettre les idées préconçues à exécution". C'est la thèse soutenue par Peter Fritzsche. Le conformisme, la tranquillité et la terreur imposée par le régime jouèrent aussi un rôle non négligeable. Mais pour lui, les Allemands ne furent pas de simples spectateurs. On ne peut pas croire ce qu'on ne veut pas voir.

Fritzsche explique que les Allemands ont non seulement accepté le nazisme, mais ils en ont fait le lit. Ils ont participé au projet racial d'Hitler et se sont montrés très compréhensifs face à l'extermination des Juifs. Dans ce texte fort, précis, aiguisé, l'historien ne laisse pas le lecteur reprendre souffle. A chaque page, il lui assène des témoins très dérangeants. Certains y verront des ficelles un peu grosses, d'autres une explication plausible de l'inexplicable...

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