Edition

Depuis 1938, les livres des Éditions Corti arborent fièrement, sur leur couverture, une rose des vents entourée de la devise « rien de commun ». Et en effet, Joseph Roch Antoine Corticchiato (1895-1984), Corse de la banlieue parisienne, libraire, éditeur, créateur des Éditions Surréalistes dès 1925 où il a publié toute l’avant-garde de l’époque, n’a rien fait comme tout le monde. Il est demeuré indépendant, il a toujours maintenu pour sa production la même exigence littéraire, et il a révélé, en 1938 avec Au château d’Argol, un certain Louis Poirier, alias Julien Gracq, dont il a été l’éditeur exclusif. Après sa mort, Gracq lui est demeuré fidèle. Et même s'il a disparu en 2007, il l'est encore aujourd’hui, de manière posthume, puisque qu'une nouvelle inédite de lui paraît fin mars aux Éditions Corti : La Maison reste à la maison, en quelque sorte.

José Corti avait également assuré l’indépendance de son entreprise (qui ne possède plus, hélas, la fameuse librairie du 11, rue de Médicis), et sa transmission : ce sont Bertrand Fillaudeau, son assistant depuis 1980, et Fabienne Raphoz, arrivée en 1996, qui en ont eu la charge. Durant près de 40 ans, ils sont su garder le cap, tout en ouvrant la production à de nouveaux domaines, à travers de nombreuses collections, comme « En lisant en écrivant », « Merveilleux », ou encore « Biophilia » consacré à l’amour du vivant, l’écologie, les animaux, qui apparaît aujourd’hui pionnière.

Un binôme d'écrivains-poètes

A son tour, ce duo transmet aujourd’hui le témoin à un binôme d’écrivains-poètes, Maël Guesdon, né en 1983, auteur de deux recueils de poèmes chez Corti, Voire (2015) et Mon plan (2021), et Marie de Quatrebarbes, née en 1984, dont le premier roman, Aby, est paru chez P.O.L. en 2022. Les deux avaient déjà œuvré ensemble à la revue de poésie traduite La tête et les cornes. « Corti, pour nous, c’est avant tout un catalogue que nous avons connu en tant que lecteurs, explique Maël Guesdon. Et c’est sur ce catalogue, ce fonds, que nous allons nous appuyer pour maintenir la « différenciation » Corti, laquelle se marque par une grande attention portée au style, une certaine radicalité dans les choix littéraires, et une élégance certaine ».

Ainsi, en même temps que paraîtra La Maison, Corti réimprimera deux titres importants de Gracq, Un beau ténébreux (1945) et Liberté grande (1947). Rappelons que l’écrivain a exigé, de son vivant puis par testament, qu’aucun de ses livres ne soit repris en collection de poche. Côté nouveautés, les deux quadragénaires, qui se préparaient à la succession depuis trois ou quatre ans, ont déjà lancé une collection d’essais, « Penser-situer », inaugurée en janvier avec Dialogues en public, une anthologie du courrier des lecteurs que Pier Paolo Pasolini (1922-1975) a tenu dans l’hebdomadaire communiste Vie Nuove de 1960 à 1965, tandis qu’il tournait Accatone ou L’Evangile selon saint Matthieu. Un exercice original, jubilatoire, l’occasion pour le trublion de la littérature italienne de s’exprimer en « liberté grande ».

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