Comme son nom l'indique, le roi et la reine du royaume de Pointudroidur ne jurent que par l'angle droit. Ceux qui voient dans cette obsession un signe de psychorigidité pensent juste. L'arbre généalogique des souverains est à leur image : quand on le secoue, il n'en tombe que des Édith Cœurdegranit et des Hugues de Cotérude...

Mais ici la figure géométrique n'est pas seulement un toc royal, c'est aussi un tic de l'illustration qui est seul à faire progresser la narration. Unique symbole du roi, une couronne acérée, unique image de la reine, un chapeau pointu. À la cour idem. La nourrice est représentée par une forme de bouillotte, le pasteur par une croix et le bourreau par un couperet. Bref, rien ne dépasse à Pointudroidur, à part les rejetons du couple royal. Chez cette piètre descendance incapable de grimper au trône, rien ne file droit, tout va à vau-l'eau dans la courbe et la rondeur. L'un est flasque, l'autre est ondulé, ou ratatiné. Las, le roi demande à Théo le bourreau de les débarrasser de cette progéniture aux formes non conformes. Un jour pourtant naît Triangle, parfaite figure isocèle. Mais le rêve royal est à terre quand elle s'éprend d'un prétendant hors normes. Raconter de A à Z un conte de fées avec uniquement des figures géométriques et leur donner vie relève de l'exploit.

Chapeau (haut de forme), l'artiste Cruschiform ! Cet album époustouflant stimule la curiosité mathématique de l'enfant et séduit par un texte tout en poésie et humour et par une typographie recherchée qui n'hésite pas à écrire le mot horreur en lettres tremblées.