Le voyage vers l'Ouest. Peut-on briser le sort qui enchaîne un lignage depuis des générations ? Bilal Seck se trouve au bout de cette chaîne. Il a 37 ans, nous sommes en 1893, à Djeddah, aux portes de La Mecque. Avec son maître Yérim Thiaw, il est sur le point de réaliser le hajj, le pèlerinage que tout musulman se doit d'effectuer au moins une fois dans sa vie. Mais une épidémie de choléra ravage la région. Bilal, taché du sang d'un moribond qu'il tentait d'aider, voit naître la terreur dans le regard de son maître qui le croit contaminé. Yérim Thiaw, le lâche, le traître, glisse un billet de 100 francs à Bilal et l'abandonne à son sort. En attendant la mort, et comme il est griot, barde dépositaire de la tradition orale, Bilal psalmodie « le chant des origines ». Celui de son sang impur, de sa caste dégradée à la suite d'une faute originelle commise par ses ancêtres. Sa dépouille mortelle, « impropre à la résurrection », n'aura pas le droit de retourner à la terre et sera pendue au creux d'un baobab... Bilal, privé d'éternité, est le soixante et onzième « élu » passeur de ce chant. Mais Bilal va survivre. Pour - et c'est l'objet du présent livre - entamer le chemin du retour vers son village, au Sénégal, à l'extrême ouest, pour y donner naissance à une fille qui brisera le sort. Mais une autre trame s'invite dans le roman : celle des origines de la caste de Bilal. Il s'agit d'un autre voyage, vers « l'Extrême-Occident », la montagne de Bakhou, « où s'adosse le ciel » dit le chant - ce qui donne son titre au livre. Nous voici à l'époque de la première génération, environ deux mille ans plus tôt, sous le règne du pharaon Ptolémée Philadelphe. Anteph est un jeune archer qui devient bientôt un redoutable guerrier. Ses pérégrinations le conduisent, en compagnie du général Ptahhotep, du grand prêtre Ounifer et de Kémi, son épouse, femme de lettres avant l'heure, libre et assoiffée de vie, à braver mille dangers. Nous remontons avec eux jusqu'à l'origine de la malédiction qui frappe le lignage de Bilal.

David Diop, parisien de naissance, agrégé de lettres après une jeunesse au Sénégal, enseignant à l'université de Pau depuis vingt-sept ans, adepte des récits de voyages, s'est spécialisé dans les littératures du siècle des Lumières. Frères d'âme, son deuxième roman (Seuil) a reçu le prix Goncourt des lycéens en 2018 et l'International Booker Prize en 2021 - il est le premier écrivain français à avoir reçu cette distinction. Avec ce très attendu Où s'adosse le ciel, il s'intéresse à nouveau au travail de mémoire par la transmission à travers les générations. Le style, emphatique comme pour évoquer la langue de l'Antiquité égyptienne, pourrait rebuter si l'on ne se laissait rapidement prendre par le fil de l'histoire qui emmène le lecteur vers des contrées africaines inexplorées et ses héros magnifiques. Le récit devient fable, conte merveilleux, porteur de vie et de philosophie, où le voyage, comme celui qu'entreprennent Bilal, Anteph, et David Diop dans ses romans, est le but. « Voir du pays avant de revenir chez soi »...