Décès

L'écrivaine algérienne Assia Djebar est morte samedi 7 février, à l’âge de 78 ans. Elle aura été la première personnalité du Maghreb et le premier auteur musulman élue à l'Académie française, en 2005, au fauteuil de Georges Vedel. En apprenant la nouvelle quelques heures après avoir su le décès d’André Brink, Salman Rushdie a tweeté : « Un très triste jour pour la littérature mondiale. Deux géants perdus, du nord et du sud de l’Afrique. Assia Djebar et Andre Brink. »

Fille d'instituteur, Assia Djebar avait aussi été la première femme à être admise à l'École normale supérieure de Sèvres, en 1955, d’où elle sera évincée pour avoir suivi le mot d’ordre de grève de l’UGEMA, l’Union générale des Étudiants musulmans algériens.

Dès son premier roman, La Soif (Julliard, 1958), Fatma-Zohra Imalayène, née le 30 juin en 1936 en Algérie (alors colonisée par la France), prend le pseudonyme d’Assia Djebar. Dans ce premier livre, elle pose les fondements de son œuvre centrée sur l’émancipation des femmes, la langue et la liberté d’expression. Engagement et exigence : «Assia, c’est la consolation, et Djebar, l’intransigeance. Quel beau choix !», avait dit Pierre-Jean dans son discours de réception à l’Académie.

Une vingtaine de publications en 50 ans

Romancière, poète et essayiste, également cinéaste et dramaturge, citée à plusieurs reprises pour le Prix Nobel de littérature, son œuvre littéraire, qui inspira de nombreux essais, comporte une vingtaine de titres, publiés chez Julliard, puis Albin Michel ou Actes Sud.

Après ses premiers romans (Les Impatients, Les enfants du Nouveau Monde, Les Alouettes naïves), un recueil de poésie (Poésie pour l’Algérie heureuse) et une pièce de théâtre (Rouge l’aube), elle délaisse l’écriture. Elle n’y revient qu’en 1980 avec Femmes d’Alger dans leur appartement. Puis elle publie plusieurs romans L’amour, la fantasia en 1985, suivis d’Ombre sultane (qui reçoit le Literaturpreis des Ökumenischen Zentrums), Loin de Médine, Vaste est la prison, Le Blanc de l’Algérie, Les nuits de Strasbourg, La femme sans sépulture, La Disparition de la langue française… Son ultime oeuvre Nulle part dans la maison de mon père est parue chez Fayard en 2007 (et en poche chez Babel en 2010) et raconte à l'aube de sa vie les axes personnels, familiaux, amoureux et intellectuels autour desquels sa personnalité et son oeuvre de fiction se sont construites.

De nombreux prix dans le monde entier

Elle a été distinguée par de nombreux prix : Prix Maurice Maeterlinck à Bruxelles, Prix Marguerite Yourcenar à Boston, Prix de la paix des libraires allemands à Francfort, Prix Grinzane Cavour à Turin… En tant que cinéaste, elle a réalisé deux films. La Nouba des femmes du Mont Chenoua (1978) qui fut primé au Festival de Venise et La Zerda ou les chants de l'oubli (1982) récompensé au Festival de Berlin. Sa plus prestigieuse récompense est sans doute le Grand prix de francophonie en 1999.

Refusant d’être un symbole, elle avait confié au Figaro : « Ma seule activité consiste à écrire. Chacun de mes livres est un pas vers la compréhension de l'identité maghrébine, et une tentative d'entrer dans la modernité. Comme tous les écrivains, j'utilise ma culture et je rassemble plusieurs imaginaires. »

Dans son hommage, le président de la République François Hollande rappelle que l’écrivaine était  « une femme de conviction, aux identités multiples et fertiles qui nourrissaient son œuvre, entre l'Algérie et la France, entre le berbère, l'arabe et le français. »

Assia Djebar vivait entre les Etats-Unis et la France. Universitaire, elle a enseigné l’histoire, la littérature, le cinéma. Mais c’est à Cherchell, son village de naissance, qu’elle sera enterrée.

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