Disparition

Décès d'Hélène Carrère d'Encausse, historienne et première femme à la tête de l'Académie française

Hélène Carrère d'Encausse en 2022 - Photo Ludovic MARIN / AFP

Décès d'Hélène Carrère d'Encausse, historienne et première femme à la tête de l'Académie française

La kremlinologue, première femme "secrétaire perpétuel" de l'Académie française en 1999, et ancienne député européenne, est décédée le 5 août à l'âge de 94 ans. Elle laisse derrière elle une riche bibliographie de plusieurs dizaines d'essais sur l'histoire russe. 

Par Pierre Georges
avec AFP Créé le 06.08.2023 à 16h15 ,
Mis à jour le 18.08.2023 à 15h20

Hélène Carrère d'Encausse, première femme à présider le bureau de l'Institut de France, historienne spécialiste de la Russie et ancienne députée européenne est décédée samedi à Paris à l'âge de 94 ans. « Elle s'est éteinte paisiblement entourée de sa famille », ont écrit ses enfants dans un communiqué transmis à l'AFP.

Secrétaire perpétuel de l'Académie depuis 1999, elle avait indiqué qu'il faudrait l'appeler « Madame le Secrétaire perpétuel », sans féminiser la fonction. « Il n'y a qu'un seul Secrétaire perpétuel depuis trois siècles et demi. C'est cette idée de continuité qui doit prévaloir. C'est une lignée qui se poursuit », expliquait-elle. 

Reconnue dans le cercle des kremlinologues et régulièrement consultée par le monde journalistique, Hélène Carrère d'Encausse avait fait en 1978 une entrée fracassante dans le monde de l'édition avec L'Empire éclaté (Flammarion). Elle y prédit, avant beaucoup d'autres, l'éclatement de l'URSS confrontée au problème des minorités. Elle a ensuite mené une longue et riche carrière éditoriale, publiée principalement chez Fayard, Flammarion, Pluriel et au Livre de poche. 

Biographe de Lénine, Staline, Catherine II ou Alexandre II, elle a notamment publié Le Grand frère (Flammarion, 1983), Ni paix ni guerre (Flammarion, 1986), Le Grand défi (Flammarion, 1987), Le Malheur russe (Fayard, 1988), La Gloire des nations ou la fin de l'Empire soviétique (Fayard, 1991), Russie, la transition manquée (Fayard, 2005) ou Le général de Gaulle et la Russie (Fayard, 2017).

Professeure invitée de nombreuses universités étrangères, en Amérique du Nord et au Japon surtout, elle a été décorée en 1998 par le président russe Boris Eltsine de l'Ordre de l'amitié entre les peuples pour son étude de la Russie.

En 1997, elle a reçu en France le Prix des Ambassadeurs pour son ouvrage biographique Nicolas II : la transition interrompue (Fayard). Elle fera aussi une incursion à la chaîne d'information continue russe controversée Russia Today au sein du comité d'éthique, avant de se retirer.

En 2023, elle s'était encore vu décerner le prestigieux prix espagnol Princesse des Asturies pour les sciences sociales.

« Française de la tête aux pieds »

Cette femme vive et élégante avait été, en 1990 (l'année même où l'Union soviétique était dissoute), la troisième femme admise à l'Académie française, après Marguerite Yourcenar et Jacqueline de Romilly. Depuis 1999, elle a eu l'occasion d'exprimer son opposition à la féminisation des titres et fonctions pour les femmes dans la langue française, mais aussi, plus récemment, à l'écriture inclusive et au point médian, tout en s'efforçant de « regarnir l'Académie » en grands romanciers.

Née à Paris le 6 juillet 1929, elle était la fille d'une Italienne et d'un philosophe géorgien émigré en France, Georges Zourabichvili (qui sera plus tard assassiné). Elle apprend le russe avant le français. De racines autrichiennes, allemandes et italiennes, elle comptait parmi ses ancêtres de grands serviteurs de l'Empire russe dont elle a suivi les traces et des résistants à ce même Empire.

Elle affirmait « être Française de la tête aux pieds : un vrai cas d'intégration parfaite ». De ses origines, elle avait conservé sa foi orthodoxe. Née apatride, elle acquiert la nationalité française en 1950 et épouse, deux ans plus tard, Louis Carrère, dit Carrère d'Encausse, un assureur qui lui a donné trois enfants, dont l'écrivain Emmanuel Carrère, prix Renaudot 2011 pour Limonov (P.O.L.) consacré à cette figure de l'underground russe.

Élève brillante, Hélène Carrère d'Encausse a été formée à l'Institut d'études politiques de Paris et obtenu un doctorat ès-Lettres. Elle enseignera l'histoire à la Sorbonne puis à Sciences-Po ainsi qu'au collège d'Europe de Bruges.

En 1992, elle sera conseillère auprès de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), participant ainsi à l'élaboration d'une politique d'assistance à la démocratisation des anciens États communistes.

Après avoir animé, la même année, la campagne en France pour le "oui" au référendum sur le traité de Maastricht, elle est élue en 1994 sur une liste de droite au Parlement européen où elle sera vice-présidente de la commission des Affaires étrangères et de la Défense.

Réactions

A l'annonce de sa mort, les réactions ont été immédiates. « Historienne majeure, elle fut la première femme Secrétaire perpétuel de l'Académie française. Comme elle, son legs est immortel » , a loué le chef de l'État Emmanuel Macron dans un message sur la plateforme X (ex-Twitter).

« Hélène Carrère d'Encausse a vécu, jusqu'au bout, pour défendre la richesse de la langue française avec une énergie fédératrice. Européenne convaincue, elle était libre et tenace dans ses engagements », a posté la ministre de la Culture Rima Abdul Malak.

L'ex-chef de l'Etat Nicolas Sarkozy a dit sur X se souvenir « de sa grande intelligence, de son sens de l'humour et de son engagement pour la liberté ». Et Marine Le Pen de saluer la mémoire d'une femme « que les tourments de l'histoire avaient privée de patrie mais qui choisira la France par amour de notre civilisation ».

« Elle incarnait, avec fermeté et courage, depuis longtemps, ce qu'une intelligence et un savoir hors du commun peuvent apporter de meilleur à une société », a loué auprès de l'AFP Xavier Darcos, Chancelier de l'Institut de France et membre de l'Académie française.

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