14 SEPTEMBRE - ROMAN France

Par un de ces hasards que nous offrent parfois les embouteillages éditoriaux de rentrée, deux des livres les plus secrets (on n'ose écrire, hantés) du moment, Dix d'Eric Sommier (voir LH 869) et Mont Blanc de Fabio Viscogliosi, "s'organisent" autour de la même scène initiale de désastre, l'incendie du tunnel routier du Mont-Blanc qui, le 24 mars 1999, coûta la vie à trente-neuf personnes. Parmi celles-ci, les parents de Fabio Viscogliosi. Pourtant, ce qui est à l'un (Sommier) un opéra, sera à l'autre - et ce n'est pas moins fort littérairement - le point de départ d'une divagation douloureuse et tendre dans les corridors de sa mémoire, une balade new wave. Bien entendu, cette perte est à Viscogliosi un horizon indépassable. Elle innerve toute son oeuvre, ses chansons, ses dessins, son premier (et très beau) livre, Je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit, paru l'an dernier ; il l'aborde pour la première fois avec cette frontalité. Dans ce Mont Blanc, endeuillé, tendu, épuisé presque, l'accident, ses conséquences (enquêtes, procès, commémorations...), mais aussi ce père, cette mère, cette maison qu'il faudra vider, et ce qui reste de jeunesse à l'auteur qui s'en trouve brutalement privé sont comme réorchestrés par autant de petites épiphanies de mémoire. Un album de Kraftwerk, un film de Wenders, une promenade avec Borges, quelques lignes de Daumal ou Fitzgerald, la silhouette de Cary Grant surgissent comme autant de signes, d'époques et d'appartenances. Viscogliosi orchestre ce requiem l'air de rien, de ne vouloir embêter personne et surtout pas son lecteur. Tant de délicatesse, de pudeur, porte un nom : l'élégance.

Les dernières
actualités