15 novembre > Document France > Hamé et Ekoué

C’est l’histoire de deux gamins descendants d’immigrés. Hamé, né à Perpignan en 1980, fils d’un berger algérien qui a mené "une vie de malheur". Et Ekoué, né en 1975 à Villiers-le-Bel, dans une famille plus "aisée". Son père Kofi, togolais, était comptable. Un Beur, un Black, victimes du racisme ordinaire. Déchirés entre deux cultures, ils ne se retrouvent pas dans le "roman national" qu’on essaie de leur conter. Chacun à sa façon se révolte et aurait pu mal tourner. Mais ils ont été sauvés, d’une part, par leur intelligence, qui leur a permis de faire des études. L’un est docteur en psychologie et en cinéma, diplômé de la New York University. L’autre a fait Sciences po, est titulaire de deux masters. Et d’autre part, par le rap, celui venu des Etats-Unis, radical, violent, revendicateur, dans lequel ils sont tombés dès leur adolescence.

Alors que Ekoué avait déjà mis un pied dans la musique au sein d’un groupe, Ultime Coalition, et enregistré un disque avec Assassin - il avait été repéré par Rockin’ Squat, le frère de l’acteur Vincent Cassel -, les garçons se rencontrent en banlieue parisienne en 1994, par hasard. Ils décident, avec quatre autres de leurs amis, de fonder La Rumeur, "une machine de culture alternative, à rebours du roman national". Le groupe donne ses premiers concerts en 1995, vite remarqué par la qualité de ses textes nourris du vécu des auteurs, de leurs lectures, mais aussi par l’énergie brute, les idées sans concession qu’ils véhiculent. D’où des ennuis judiciaires leur pompant de leur énergie et de leur argent : La Rumeur a refusé de tomber dans le système du show-biz et des majors. Procès du patron de Skyrock contre Ekoué, procès à répétition de Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, puis président, contre Hamé, accusé de diffamation envers la police. Ils mettront des années à s’en sortir, à gagner ou à bénéficier de non-lieux. Entre-temps, les grandes émeutes suburbaines de 2005 ont montré au pays et à ses dirigeants que La Rumeur n’exagérait en rien le profond malaise des banlieues.

Le groupe, depuis, s’est diversifié : albums, films, livres… Voici son autobiographie, sans fard. J.-C. P.

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