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Des images d'Epinal pour faire l'économie d'un illustrateur ?

Des images d'Epinal pour faire l'économie d'un illustrateur ?

L'éditeur Frédéric Lavabre et le groupe jeunesse du Syndicat national de l'édition réagissent à l'annonce de la distribution d'un recueil de contes de Charles Perrault, illustré d'images d'Epinal, aux 800 000 écoliers de CM1, par le ministère de l'Education nationale :

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Créé le 27.10.2015 à 18h09 ,
Mis à jour le 12.02.2016 à 17h26

"200 000 livres offerts à chaque élève de CM1 en 2011 : les Fables de M. de La Fontaine illustrées par Marc Chagall. Bien. En 2012, l'opération sera non seulement reconduite par le ministère de l'Education nationale, mais renforcée, avec un lot s'élevant à 800 000 exemplaires. Très bien. Cette fois, ce ne sont plus les poèmes du sieur Jean qu'il s'agit de faire lire à nos chers petits, mais 9 contes - ô combien - patrimoniaux de M. Charles Perrault. On se dit qu'il a tout de même existé quelques oeuvres remarquables après le XVIIe siècle mais, au fond, pourquoi pas... Non, là où le bât blesse véritablement, c'est du côté de la réponse visuelle : après Chagall, peintre du merveilleux, surréaliste et flamboyant, on passe... aux images d'Epinal ?! Et là, on s'insurge.

Comment peut-on aller dénicher une imagerie qui ne fleure même plus le patrimonial, mais bien la naphtaline, alors qu'il existe tant et tant d'illustrateurs contemporains de talent ! Entre autres idées fructueuses et aisément réalisables, on pourrait par exemple imaginer un appel d'offres (le Val-de-Marne le fait bien) qui viendrait récompenser, et soutenir, chaque année un artiste. Ce serait le signe d'une vraie ouverture d'esprit à destination des enfants, associant texte classique et vision d'illustrateur contemporain ! A moins que le ministère de l'Education nationale ne choisisse l'option Epinal afin de ne pas avoir à payer de droits à l'illustrateur ? Difficile à croire... lorsque l'on sait que cette opération est soutenue par la fondation Total (sic). Nicolas Sarkozy, s'il déconseillait la lecture de La princesse de Clèves aux fonctionnaires, nous fait le coup d'Epinal, pauvres têtes blondes, à l'esprit définitivement mazouté."

Frédéric Lavabre, éditions Sarbacane.

"Les éditeurs du groupe Jeunesse du Syndicat national de l'édition regrettent de n'avoir pas eu connaissance d'éventuels appels d'offres relatifs à l'édition de cet ouvrage et de ne pas en avoir obtenu la communication en dépit de leur courrier adressé au ministère de l'Education nationale le 11 avril dernier. Une demande officielle a depuis été formulée auprès de la CADA. Malgré la vocation éditoriale du CNDP en vertu du décret n° 92-56 du 17 janvier 1992, ces mesures apparaissent en contradiction avec l'esprit du point 8 de la circulaire du 20 mars 1998 relative à l'activité éditoriale des administrations et des établissements publics de l'Etat, tant il est difficile de considérer que l'Etat réponde ici à un besoin collectif qui n'est pas satisfait par l'initiative privée ou qui n'est pas couvert dans de bonnes conditions du point de vue de l'intérêt général..."

Antoine Gallimard, président du Syndicat national de l'édition et le groupe des éditeurs Jeunesse.

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