Les noms de lieux nous disent ce que nous ne voyons plus. Ils traduisent le plus souvent l’histoire de nos relations avec un environnement disparu. Roger Brunet est allé à leur rencontre. Ce grand géographe, spécialiste de l’aménagement du territoire, en dresse la liste dans cet inventaire de près de 25 000 noms. Des noms qui font rêver, surtout quand ils révèlent un Trésor du terroir.
"Que signifient tous ces Essarts, Plessis, Bouzigue, Condamine, Devèze, Varenne, Chaumont, Jouy ou Aulnay éparpillés sur le territoire, que nous disent ces pittoresques Pet de Grolle, Cocumont, Minjesèbes, Tartifume, Soupetard, Quiquengrogne qui ornent et parfument les terroirs ?" Dans cette invitation à la flânerie, on aura aussi une explication des origines de Montcuq qui fit les délices de Daniel Prévost au temps du "Petit rapporteur".
Pour répondre à ces questions, Roger Brunet ne part pas des langues, mais des lieux. Pourquoi un groupe humain les a-t-il ainsi nommés ? Ce directeur de recherche émérite du CNRS a donc organisé son ouvrage en fonction des perceptions de ces lieux, isolés ou favorisant la vie sociale, ventés ou enneigés, accueillant certains végétaux ou animaux, etc. Doté d’une érudition tout-terrain, il aborde les départements d’outre-mer et se risque dans le désert glacé de l’Antarctique, quelque part du côté de la terre Adélie, sur cette apparence de non-lieu.
Evidemment, un tel ouvrage dissuade de la lecture cursive. Chacun ira donc y chercher le sens de ces noms communs, jadis compris par quelques-uns et qui ne nous disent plus rien. Car la plupart des noms de lieux n’ont pas d’acte de naissance. Ils viennent de la nuit des temps. Certes, c’est de la géographie, mais avec beaucoup d’histoires. Après ce savoureux voyage, c’est sûr, vous lirez la France autrement. L. L.