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Je lisais il y a peu la tribune d’un de mes collègues économistes, Olivier Babeau, dans le journal Les Echos : « Jouant les taxis contre les VTC, les libraires contre Amazon, les hôpitaux contre les cliniques, la France semble bloquée dans une posture défensive à l’égard de la concurrence […]. Nos gouvernants font encore trop souvent le choix de la protection des rentes, sous toutes leurs formes, contre l'intérêt des consommateurs, toute remise en cause de l'ordre existant se traduisant en effet par l'appel solennel de la profession concernée à mettre un terme à « l'injustice » dont ils sont victimes. Appel généralement suivi de mesures empressées de la part de la puissance publique, de nouvelles contraintes venant heureusement verrouiller - pour un temps parfois court il est vrai - les heureux privilèges.»

Le libraire en rentier, verrouillant ses privilèges, face à Amazon, chantre de la concurrence ! On sait que les économistes ont souvent excellé dans l’art de penser faux, mais cet extrait en dit long – si je puis dire – de ces raccourcis faciles qui permettent de critiquer dans un même élan des situations distinctes sans s’embarrasser des données élémentaires ni des spécificités que chaque activité économique peut présenter.

Trois éléments, donc :

1. La « rente » des libraires : comme le montrait le rapport Gallimard (et d’autres rapports de même), la rentabilité moyenne d'une librairie est de 1,4 % de son chiffre d'affaires ; ce taux tombe à 0,6% pour une petite structure qui n'emploie que deux personnes et dont le chiffre d'affaires est inférieur à 300.000 euros. 23 % des librairies ont un résultat courant négatif.

2. Amazon et la concurrence : Internet représente désormais 12 % des ventes ; sur ces 12%, la part de marché d’Amazon ne cesse de croitre. Sur le livre numérique, le géant occupe une position dominante.

3. Concernant l’appel à la puissance publique, les aides à la librairie (quelques millions !) font pâle figure, malgré le caractère très combatif du ministère de la culture sur ce sujet, face aux sommes qui transitent par le CICE par exemple (Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, 20,4 milliards d’euros) : fonds d'avance de trésorerie de 5 millions d'euros destiné aux libraires sous la responsabilité de l'IFCIC (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles), et renforcement du dispositif d'aide à la transmission des fonds de librairies avec 4 millions d'euros supplémentaires alloués à l'ADELC - Association pour le développement de la librairie de création -).

Cher Professeur Babeau, il faudrait raison garder.

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