Roman/France 16 février Christophe Paviot

Ça commence par la fin. Celle d'un père. C'est-à-dire d'une vie, d'une vie offerte, d'un horizon et de promesses. Jason était chauffeur routier, il a brûlé vif dans l'incendie de son camion-citerne laissant derrière lui une femme aimée, Julia et deux enfants adorés, Howard aîné de Gary de dix mois seulement. Ce pourrait être n'importe où l'espace rural porte sa part d'horizon (en France, dans le Gers, par exemple) ; c'est au Texas, ce qui n'est pas mal non plus. Howard et Gary gardent de leur père le souvenir de leurs balades sur sa vieille Honda ou de sa maîtrise à tuer les serpents crotales qui pullulent en ces lieux, de son invincibilité de mâle aimant et juste. Ils ne l'oublieront jamais, jusque dans leurs errements futurs et peut-être surtout là, histoire d'être la hauteur d'un souvenir inatteignable. Ils ont onze et douze ans lorsque leur père disparaît. Ils grandiront. L'un sera très beau et aimera les hommes. L'autre plutôt laid et plaira aux femmes. Ils vivront dans un mobile home et dans l'espoir que quelque chose de plus grand pourra leur arriver. Même à Sweetwater, trou perdu et royaume « Red Neck ». Ou ailleurs, s'il faut. Ils s'accommodent du silence, fraient avec le crime et sont inséparables. Ce sont les frères Shelby, l'un n'allant donc pas sans l'autre, comme l'étaient dans un autre genre pas si éloigné Bonnie & Clyde ou les Dalton. Le temps passe et rien ne s'efface, pas même leur jeunesse, comme figée à jamais en ce jour où ils perdirent l'homme qui les guidait. C'est donc quelque part en Amérique, au plus profond de son rêve évanoui, là où les serpents les plus venimeux ne sont pas toujours ceux qu'on croit.

Avec cette histoire, dont on n'arrive pas à croire qu'elle en soit vraiment une, Christophe Paviot publie, pour sous pavillon Lattès, son onzième livre, l'une de ses œuvres les plus abouties. Jamais il ne fait l'intéressant, c'est-à-dire, l'auteur français totalement dévot devant le grand roman américain. Sans doute, connaît-il ces lieux, ce climat où suinte l'angoisse d'un échec effroyable, mais ce dont il semble le plus voisin c'est d'abord de ces liens indénouables et infranchis qui unissent le souvenir et le besoin d'autrui. Cela dépasse largement les frontières. Cela vient d'un pays qui n'en a pas : la littérature.

Christophe Paviot
L'horizon à mains nues
JC Lattès
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 19,90 euros ; 208 p.
ISBN: 9782709666046

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