Récits

Didier Blonde, "Autoportrait aux fantômes" (Gallimard) : Dans la compagnie des spectres

Didier Blonde - Photo © F. Mantovani/Gallimard

Didier Blonde, "Autoportrait aux fantômes" (Gallimard) : Dans la compagnie des spectres

Didier Blonde poursuit son œuvre hantée et enchantée à la recherche de fantômes familiers. Tirage à 4000 exemplaires.

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Par Olivier Mony,
Créé le 11.02.2022 à 14h30 ,
Mis à jour le 28.02.2022 à 15h58

Depuis de nombreuses années, Didier Blonde poursuit une œuvre rêveuse de détective de la mémoire, dont la beauté, jamais démentie, tient en la cohérence de ses obsessions. Obsessions des adresses parisiennes, du cinéma muet et de ses figures plus ou moins oubliées, des grands héros de la littérature populaire, de Fantômes à Arsène Lupin, des traces laissées partout, dans les bibliothèques comme dans les rues, par des héros et surtout des héroïnes laissés pour compte par la postérité. C'est dans ces fragments du temps, un peu comme le fait Patrick Modiano, mais avec des méthodes littéraires toutes différentes, que Blonde s'infiltre et marque son territoire d'écrivain. Il n'est pas vraiment question chez lui de romans, mais d'autant de tombeaux pour des soldats inconnus de la gloire.

Son nouveau livre, Autoportrait aux fantômes, ne dévie pas d'un pouce de cette ligne esthétique et morale. Il pourrait même servir d'utile introduction à l'ensemble de l'œuvre tant l'auteur semble y avoir rassemblé tout ce qui le constitue en tant que tel. Avec toutefois, un volet plus intime, plus discrètement autobiographique, allant à la source de cette fructueuse affection qui le conduit à toujours faire renaître des cendres un passé oublié mais qui ne demande qu'à briller de nouveau. Ici, ce sera donc la figure du père qui se révèle comme le palimpseste de tout ce qui a précédé. Du père qui selon l'expression sadienne, lui a « fait former des fantômes ». Ces fantômes qui, passé le pont de sa mémoire, viennent sans cesse se rappeler à lui, le rappeler à eux...

On retrouvera donc dans cet autoportrait qui n'en est un qu'à la marge de l'oubli, ce qui fait le prix de l'écriture simple et précise de Didier Blonde. Les fantômes donc, figures littéraires s'il en est, échappés des pages comme des écrans du muet. Personnages qui ne se laissent pas tout à fait effacer, doublures, figurants, mais aussi stars oubliées. Surgissent également des artistes qui fréquentèrent eux aussi ce motif : Henry James, François Truffaut (dont le sublime La chambre verte fut l'adaptation par ce dernier d'une nouvelle du précédent), Gene Tierney, Jean Cocteau qui savait que le cinéma, c'est « la mort au travail ». À sa suite, Didier Blonde ne fait rien d'autre que l'écrire. Et c'est tout aussi beau.

Didier Blonde
Autoportrait aux fantômes
Gallimard
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 12 € ; 144 p.
ISBN: 9782072966132

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