Livres Hebdo : L’an dernier, vous avez tous les deux été récompensés à Blois, qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Jean-David Morvan : Je suis venu à Blois très souvent, c’est un festival que j’apprécie tout particulièrement et je ne m’attendais vraiment pas à recevoir ce prix. Comme j’aime à le rappeler, j’ai eu deux prix Jacques-Lob. Quand j’étais gamin dans un festival de bande dessinée amateur à Reims, Jacques Lob m’avait remis un prix en main propre (le prix Jacques Lob a été créé en l’honneur du scénariste de bande dessinée à l’origine, entre autres, du Transperceneige, décédé en 1990, ndlr). C’était vraiment très étrange de recevoir, ne serait-ce que symboliquement, deux fois ce prix dans une vie. En plus, cette année, on a la chance d’avoir des représentations de Madeleine Riffaud partout dans Blois, ce qui fait qu’on se sent vraiment chez nous.
Dominique Bertail : Je profite encore un peu de mes dernières heures de titre. C'était un vrai bonheur d’être récompensé à Blois, c’est un super festival avec plein de bonnes expositions et puis en plus j’ai été au collège ici pendant un an, donc c’est revenir un peu à une époque qui a été un bon moment dans ma vie. Malheureusement, je n’ai pas pu m’engager cette année autant que je l’aurais aimé avec l’urgence de devoir finir ce dernier album (le tome 4 de Madeleine Résistante, fin du premier arc narratif, a paru chez Dupuis le 24 octobre, ndlr).
« Notre travail de mémoire a un véritable impact »
Mais c’était très touchant et puis c’était quelque chose de découvrir l’exposition qui m’a été dédiée cette année. Voir une vie de travail réunie comme ça dans une pièce, entendre les réactions des gens et voir avec un autre regard de spectateur, cela permet de faire un bilan et le confronte au temps qui passe. Et, en même temps, cela fait du bien, cela permet de voir toutes les pistes qui n’ont pas été explorées, tout ce qui ne marche pas et doit être corrigé.
Qu’est-ce que cela vous a fait de recevoir ce prix ensemble, de partager ce rôle de lauréat ?
D.B. : C’était super d’être récompensé à deux. On travaille ensemble de manière fusionnelle, donc oui, c’était un peu magique, un alignement de planètes. Il paraît qu’on reste Grand Boum à vie, donc mon trône est sauvé, je suis rassuré. J’aime bien l’appellation de « Grand Boum », parce que c’est sérieux et en même temps ça ne fait pas pompeux, ça va bien avec notre métier et la façon de se prendre au sérieux sans en faire en trop, c’est un titre honorifique assez sympa.
J.-D.M. : C’était inattendu de l’avoir avec Dominique, on nous a dit en plus que ce n’était pas du tout prévu. C’est tombé comme ça, un peu par hasard, sachant que les deux jurys sont indépendants. On a su qu’on serait distingués longtemps avant la mort de Madeleine et on a reçu le prix deux jours après l’enterrement. C’était vraiment un sentiment très particulier de joie et en même temps de tristesse, on était donc particulièrement émus de partager tout cela ensemble.
Exposition, affiche, collage sur l’escalier Denis-Papin : Dominique Bertail, grâce à votre titre de Grand Boum, Madeleine Résistante s’affiche partout à Blois. Que vous inspire, à tous les deux, la mise à l’honneur de votre héroïne ?
D.B. : Cela aide à faire son deuil. D’une certaine manière, Madeleine est toujours là. Faire les planches, la dessiner à 20 ans, venir dans la ville, la voir à chaque coin de rue, on a l’impression de partager tout ça avec elle. C’est très fort d’un point de vue affectif, avec toute cette mise en avant, c’est l’œuvre de Madeleine qu’on met à l’honneur.
J.-D.M. : Cela fait un drôle d’effet, surtout un an après sa disparition. Ce qui est formidable, c’est que grâce à tout cela, Madeleine reste d’une certaine façon encore vivante, ce qui montre que notre travail de mémoire a un véritable impact. De nombreuses personnes découvriront Madeleine Riffaud longtemps après sa mort, et c’est aussi grâce au festival de Blois. Finalement, c’est une victoire de la bande dessinée que de faire perdurer son image et son message de résistance. Nous en sommes vraiment ravis. C’est à la fois impressionnant et une grande fierté. Et en même temps, ce qui nous empêche de prendre la grosse tête, c’est que l’on sait que tout cela, c’est avant tout pour Madeleine.
