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Dossier Romans de l'hiver : il n'y a pas que la présidentielle !

OLIVIER DION

Dossier Romans de l'hiver : il n'y a pas que la présidentielle !

Pour cette rentrée d'hiver sur fond de crise et d'élection présidentielle, les éditeurs restent prudents, avec 480 romans pour janvier-février. Les romanciers, eux, prennent de la distance par rapport à l'actualité. Ils s'amusent de la politique et des années Sarkozy, se moquent du milieu littéraire et des mutations numériques, digèrent les faits divers et les questions géopolitiques.

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Par Anne-Laure Walter,
Claude Combet,
Mylène Moulin,
Julie Rocha-Soares,
Catherine Andreucci,
Créé le 10.03.2015 à 20h34 ,
Mis à jour le 23.03.2015 à 15h36

C'est la deuxième rentrée d'hiver sur fond de crise en librairie, et elle se double, en plus, de la perspective d'une élection présidentielle en mai, qui entraîne généralement en littérature un ralentissement, voire un gel des ventes. Les éditeurs ont donc choisi de se concentrer sur les mois de janvier-février pour échapper au trou d'air préélectoral redouté, tout en restant prudents dans leur production. Ils proposent une rentrée d'hiver un peu plus resserrée que celle de 2011. Au total, en janvier et en février 2012, 480 nouvelles fictions sont annoncées (- 5,5 % par rapport à la rentrée 2011) : 311 romans français (contre 329 l'an passé), dont 55 premiers textes, et 169 romans étrangers (contre 181).

Outre les auteurs incontournables de ce début d'année (voir les encadrés ci-dessous et pages suivantes), ils misent sur plusieurs romanciers reconnus et attendus : Richard Morgièvre (United colors of crime, Carnets nord), Eric Faye (Devenir immortel, et puis mourir, Corti), Philippe Besson (Une bonne raison de se tuer, Julliard), le prix Goncourt Gilles Leroy (Dormir avec ceux qu'on aime, Mercure de France), Christian Gailly (La roue et autres nouvelles, Minuit), Pierre Bordage, auteur à succès classé en SF, qui livre un roman très littéraire (Mort d'un clone, Au diable vauvert), Barbara Constantine (Et puis, Paulette..., Calmann-Lévy), Anne Wiazemsky (Une année studieuse, Gallimard), le cinéaste Raul Ruiz avec un roman posthume (L'esprit de l'escalier, Fayard), Chloé Delaume (Une femme avec personne dedans, Seuil), Lutz Bassmann, un des pseudonymes d'Antoine Volodine (Danse avec Nathan Golshem, Verdier), Arno Bertina (Je suis une aventure, Verticales), ou encore Pascal Garnier (Cartons, Zulma).

Comme il est de tradition en cette période moins centrée sur les prix littéraires, les programmes font la part belle au théâtre, aux nouvelles et aux essais littéraires. Les 59 essais et récits à paraître en janvier-février réservent d'agréables surprises. Pierre Bayard revient, après Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ?, avec Comment parler des lieux où l'on n'a pas été (Minuit). Simon Liberati publie chez son éditeur Flammarion - après la parenthèse Jayne Mansfield 1967, dans la collection "Ceci est un fait divers" de Grasset, qui lui a valu le prix Femina - des miscellanées romantiques, La bibliothèque de la sirène.Sylvie Germain confesse dans Rendez-vous nomades (Albin Michel) sa conception de la foi, tout comme Franz-Olivier Giesbert avec Dieu, ma mère et moi (Gallimard). Belinda Cannone, dans le récit autobiographique La chair du temps (Stock), raconte le vol de ses carnets et de sa correspondance, et poursuit une réflexion sur l'existence, le temps et l'écriture.

La période de l'année comme la conjoncture économique sont peu propices aux transferts. Cependant, quelques auteurs s'offrent une petite incartade. Sept ans après Trois jours chez ma mère (Grasset), prix Goncourt 2005, François Weyergans honore un contrat datant de 1995 et confie Mémoire pleine à Julliard. François Bégaudeau participe à la collection "Pabloïd" d'Alma et signe Au début. Editeur au Seuil, Louis Gardel donne exceptionnellement à Stock Le scénariste, un texte romanesque ancré dans le milieu littéraire et celui du cinéma. Plusieurs professionnels publient des romans en cette rentrée, comme Jean-Paul Enthoven avec L'hypothèse des sentiments chez Grasset, où il est éditeur. Jean-Baptiste Gendarme, responsable de la revue Décapage et éditeur pour Alma, présente Un éclat minuscule, chez Gallimard. L'ancien éditeur Paul Fournel s'intéresse au virage numérique (La liseuse, P.O.L) tandis qu'on retrouvera deux romanciers exerçant le métier d'attaché de presse dans l'édition : Stéphanie Polack avec Comme un frère (Stock), et Gilles Paris avec Au pays des kangourous (Don Quichotte). Le critique littéraire Marin de Viry livre une satire du milieu littéraire parisien dans Mémoires d'un snobé (Pierre-Guillaume de Roux), et Bruno Migdal raconte les Petits bonheurs de l'édition : journal de stage (La Différence).

La présidentielle a une influence non seulement sur la programmation éditoriale, mais aussi sur la création, faisant naître une vague de politiques-fictions qui mettent en scène Nicolas Sarkozy. Dans Panique à l'Elysée (Grasset), l'ancien porte-parole de l'UMP Dominique Paillé invente une France où la défaite de l'actuel président de la République sonne le début d'une crise globale. Sabri Louatah signe avec Les sauvages (Flammarion) le roman d'un duel dans les urnes entre Sarkozy et Chaouch, un candidat kabyle favori du peuple. Plus analytique, Le mirage présidentiel de Guillaume Germain (J. Do. Bentzinger) détaille les scénarios probables de l'année électorale 2012. Enfin, dans Cinquième chronique du règne de Nicolas Ier (Grasset), Patrick Rambaud s'attaque au "règne" de Sarkozy, en revenant sur l'épisode de la Libye et sur la naissance de sa fille, Giulia.

Dans une période où l'actualité internationale occupe le devant de la scène, les écrivains se sont par ailleurs inspirés des données de géopolitique pour écrire des fictions. Dominique Eddé se plonge dans l'histoire récente de la Syrie et fait intervenir la CIA pour décider le protagoniste de Kamal Jann (Albin Michel), avocat à Manhattan, de rejoindre les services secrets occidentaux contre le pouvoir syrien. Dans Les passagers de l'Anna C. (Gallimard), Laura Alcoba raconte l'histoire vraie de ses parents, jeunes Argentins dans les années 1960 qui ont quitté clandestinement leur pays pour suivre Che Guevara dans les luttes révolutionnaires. Marek Halter, lui, propose un retour sur le maccarthysme et l'URSS dans L'inconnue de Birobidjan (Robert Laffont). L'intrigue imaginée par Jean-Pierre Goux dans Siècle bleu : ombres et lumières (JBZ & Cie) met face à face une organisation écologique et les grandes puissances que sont les Etats-Unis et la Chine. La bombe des mollahs (Rocher), signé Paul Fauray, est un roman d'espionnage situé à Istanbul, dans lequel interviennent la Syrie, l'Iran, Israël et la Turquie, fondé sur des opérations clandestines qui auraient été réellement menées par les services spéciaux français.

Ce sont aussi les pages faits divers des journaux qui inspirent les romanciers et intéressent les lecteurs, comme l'atteste le succès de Tout, tout de suite (Fayard) de Morgan Sportès, au sujet du "gang des barbares", dernier prix Interallié. Régis Jauffret, un habitué du genre puisqu'il avait écrit Sévère sur l'assassinat du banquier Stern (Seuil), s'intéresse dans Claustria (Seuil) à l'affaire Josef Fritzl, du nom de cet Autrichien qui, pendant vingt-quatre ans, a séquestré et violé sa fille, dont il a eu sept enfants. Alain Defossé a passé la soirée dans un bar de Châteaubriant où s'est produit un meurtre peu de temps après son départ. Dans On ne tue pas les gens (Flammarion), il raconte sa vision des choses, fustigeant la version racontée par l'émission "Faites entrer l'accusé". Claire Castillon livre un volume, Les merveilles, dans la collection "Ceci n'est pas un fait divers" (Grasset), et Frédéric Vitoux prend comme point de départ de Jours inquiets dans l'île Saint-Louis (Fayard) l'agression en pleine rue dont est témoin un paisible retraité.

Les romanciers prennent donc de la distance, et surtout un train. En juin 2010, dans le cadre de l'année France-Russie, seize écrivains ont voyagé à bord du Transsibérien pour faire découvrir la littérature française en Russie. Plusieurs ont tiré des récits de ce périple de Moscou à Vladivostok. Après Mathias Enard (L'alcool et la nostalgie, Inculte Fiction, février 2011), Olivier Rolin (Sibérie, Inculte Fiction, mars 2011) et Sylvie Germain (Le monde sans vous, Albin Michel, avril 2011), Maylis de Kerangal écrit la rencontre fortuite de deux personnages qui prennent la Tangente vers l'est (Verticales), Danièle Sallenave livre Sibir (Gallimard), et Dominique Fernandez convoque écrivains, paysages, villes et histoire russes pour composer Transsibérien (Grasset), avec des photographies de Ferrante Ferranti, lui aussi du voyage.

GROS PLAN SUR 10 AUTEURS INCONTOURNABLES DE LA RENTRÉE DE L'HIVER

RÉGIS JAUFFRET. CLAUSTRIA (SEUIL)

RÉGIS JAUFFRET- Photo CATHERINE HÉLIE


En 2008, l'Europe découvrait qu'en Autriche un homme avait séquestré sa fille dans sa cave pendant vingt-quatre ans et lui avait fait 7 enfants. Régis Jauffret s'est rendu sur place et a enquêté auprès des policiers, des psychiatres et d'autres experts pour composer ce roman qui dévoile des aspects méconnus de cette affaire.

Tirage : 18 000 exemplaires.

NICOLAS FARGUES. LA LIGNE DE COURTOISIE (P.O.L)

NICOLAS FARGUES- Photo HÉLÈNE BAMBERGER

Le monde n'appartient pas aux gens trop polis... C'est ce que démontre Nicolas Fargues, auteur de J'étais derrière toi. Dans son nouveau roman, il campe un homme courtois en toutes circonstances, qui tente de changer de vie en s'enfuyant en Inde.

Tirage : 25 000 exemplaires.

CLAIRE CASTILLON. LES MERVEILLES (GRASSET)

CLAIRE CASTILLON- Photo JÉRÔME BONNET/MODDS

Habituellement publiée chez Fayard, Claire Castillon fait une incursion dans la collection "Ceci n'est pas un fait divers", animée par Jérôme Béglé chez Grasset. Elle écrit à la première personne la trajectoire déchaînée d'Evelyne. Sujette à de violentes pulsions depuis qu'elle a vu, adolescente, son chien adoré être mutilé par son père, cette jeune femme drôle et gouailleuse poignarde son amant.

Tirage : 15 000 exemplaires.

DANIEL PENNAC. JOURNAL D'UN CORPS (GALLIMARD)

DANIEL PENNAC- Photo OLIVIER DION

Le nouveau livre de Daniel Pennac est une forme particulière de journal intime. Un homme né en 1923 commence, à l'âge de 12 ans, à consigner presque quotidiennement tout ce qui concerne son corps. Jusqu'à la fin de sa vie, en 2010, il note toutes sortes d'informations sur son organisme et ses évolutions. La vie de cet homme se déroule aussi à travers cette recension corporelle.

Tirage : 120 000 exemplaires.

JEAN-YVES CENDREY. MÉLANCOLIE VANDALE (ACTES SUD)

JEAN-YVES CENDREY- Photo CATHERINE HÉLIE

Jean-Yves Cendrey, qui depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir vit à Berlin avec son épouse, Marie NDiaye, et leurs trois enfants, rend un hommage grinçant à la ville réunifiée. L'auteur des Jouets vivants en 2005, sur l'affaire de pédophilie qui avait touché son village, reste dans une veine noire sans concession et lamine les mythologies associées à la RDA et les illusions de l'Allemagne nouvelle.

Tirage : 10 000 exemplaires.

FRANÇOIS WEYERGANS. MÉMOIRE PLEINE (JULLIARD)

FRANÇOIS WEYERGANS- Photo OLIVIER DION

S'il arrive à rendre son manuscrit dans les temps, François Weyergans devrait revenir en librairie, sept ans après Trois jours chez ma mère, prix Goncourt 2005. Avec l'accord de Grasset, l'écrivain franco-belge change d'éditeur afin de respecter un ancien contrat, et publiera chez Julliard cette histoire d'amour entre un écrivain français quinquagénaire et une jeune comédienne rencontrée à Montréal.

Tirage : 45 000 exemplaires.

RÉGINE DEFORGES. TOUTES LES FEMMES S'APPELLENT MARIE (HUGO & CIE)

RÉGINE DEFORGES- Photo OLIVIER DION

Régine Deforges, la sulfureuse, renoue avec les sujets tabous et se penche ici sur la sexualité des handicapés. Elle raconte l'histoire d'une mère dans les années 1950 qui élève seule son fils, handicapé mental. Son enfant a des pulsions sexuelles, et pour l'empêcher de violer des jeunes filles cette mère fusionnelle se sacrifie.

Tirage : 30 000 exemplaires.

MICHAEL CUNNINGHAM. CRÉPUSCULE (BELFOND)

MICHAEL CUNNINGHAM- Photo DAVID SHANKBONE

L'auteur des Heures met en scène un couple new-yorkais typique : lui est galeriste, elle éditrice d'une revue d'art. L'arrivée d'Ethan, le jeune frère toxicomane de Rebecca, intelligent et séducteur, va déclencher la crise qui couve. Ce roman sur l'art, le désir, le couple, la mort, signe le retour du lauréat du prix Pulitzer, qui puise son inspiration chez Henry James et Thomas Mann Tirage : 32 000 exemplaires.

DAVID LODGE. UN HOMME DE TEMPÉRAMENT (RIVAGES)

DAVID LODGE- Photo PHILIPPE MATSAS/OPALE

David Lodge brosse le portrait d'un ardent défenseur de l'amour libre aux aventures et mésaventures sexuelles désopilantes, qui, bien sûr, compliquent sa vie privée et nuisent à sa carrière politique. Roman ambitieux, il évoque aussi l'expansion du socialisme, la naissance du féminisme, les deux guerres mondiales, la bombe atomique... à travers la figure de l'écrivain H. G. Wells.

Tirage : 70 000 exemplaires.

EDGAR HILSENRATH. NUIT (ATTILA)

EDGAR HILSENRATH- Photo DR

Censuré en Allemagne pendant vingt ans, Nuit s'inspire de l'histoire personnelle d'Edgar Hilsenrath et des quatre ans qu'il a passés dans un ghetto en Ukraine (1941-1945). Fuck America, paru en 2009, racontait déjà la genèse de Nuit. De ce roman découle toute l'oeuvre de l'auteur et son travail sur la mémoire, l'oralité, les souvenirs de la guerre et de l'exil.

Tirage : 12 000 exemplaires.

LES NOUVEAUX ÉDITEURS DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE

Jeu de chaises musicales ou développement d'une collection au sein d'une maison généraliste, la donne change pour les éditeurs de fiction française.

Jean-Philippe Rossignol a quitté Flammarion pour Payot, où il développe une ligne de romans français, amorcée en janvier par la parution d'Une disparition d'Elsa Fottorino. Tout juste arrivées, Alix Penent, transfuge de L'Olivier, devenue en octobre directrice littéraire chargée des romans français de Flammarion, et Béatrice Duval, nouvelle responsable de Denoël venue des Presses de la Cité, n'ont pas encore eu le temps d'imprimer leur marque à cette rentrée, mais il faudra compter avec elles pour les suivantes. De plus, quatre éditeurs se lancent dans l'aventure de la fiction française début 2012 : Stéphanie Chevrier, à la tête de Don Quichotte, inaugure la collection avec Au pays des kangourous de Gilles Paris ; le libraire et désormais éditeur Charles Kermarec dote Dialogues d'une ligne de romans avec quatre nouveautés en janvier-février ; Moïse Kissous crée au sein de Steinkis la collection "Sans filtre", sous la houlette d'un éditeur expérimenté, Bertil Scali ; et les éditions Prisma poursuivent leur développement avec trois premiers romans édités par Françoise Kerlo.

Plus de premiers romans

 

Un peu plus nombreux que début 2011, les premiers romans à paraître en janvier et en février traitent de thèmes difficiles comme l'isolement forcé ou subi et le deuil. Mai 68 ou le génocide rwandais inspirent aussi cette production qui revêt parfois des formes originales.

 

Sur la même période de janvier-février, les éditeurs ont programmé 6 titres de plus que l'année précédente.- Photo OLIVIER DION

Les éditeurs ont été un peu moins frileux que l'annnée dernière pour la rentrée d'hiver : 55 premiers romans français sont prévus, contre 49 en janvier et en février 2011. Avec quatre premiers romans, Gallimard fait figure d'exception. La plupart des éditeurs n'en éditent qu'un, voire deux, comme Arléa ou Flammarion. En revanche, Le Seuil passe de trois titres à un seul. D'autres voient l'occasion de créer une nouvelle collection de romans : "Sans filtre" (Steinkis), dirigée par Bertil Scali, est ainsi inaugurée par deux titres, La tête à Toto de Sandra Kollender et Open bar de Benoît Schmider. Chez Flammarion, Benoît Abtey lance sa série Les secrets de d'Artagnan avec le tome 1, Don Juan de Tolède, mousquetaire du roi, et Sabri Louatah propose Les sauvages, tome 1. La tétralogie de Nathalie Chaussis débute avec La voix du temps (Manuscrit.com).

Les femmes ne forment toujours qu'un gros tiers de l'effectif avec 22 romancières pour 33 auteurs masculins. Le doyen Georges Chelly a 76 ans, et la benjamine Chloé Colpin seulement 19 ans. Beaucoup de journalistes se lancent dans la fiction, ainsi que quelques personnalités du monde artistique. Notons aussi que le prolifique auteur de science-fiction Pierre Bordage aborde pour la première fois, selon son éditeur Au diable vauvert, les rivages de la littérature avec Mort d'un clone.

SOLITUDES

La jeune classe du nouveau cru 2012 se sent particulièrement isolée. En découvrant à 25 ans sa calvitie, le héros du Messie du peuple chauve (Gallimard), le roman d'Augustin Guilbert-Billetdoux, fils de Marie Billetdoux, entre dans une introspection bouleversante. De son côté, Charles vit une existence virtuelle sur un réseau social jusqu'au jour où il découvre un monde en dehors d'Internet dans Enjoy de Solange Bied-Charreton (Stock). Enola Game de Christel Diehl est construit sur un huis clos forcé entre une mère et sa fille, dominé par l'amour et la terreur (Dialogues.fr). Crevasse de Pierre Terzian (Quidam) évoque la dureté du quotidien d'un homme exclu de la société. Marc, dans Notre nuit tombée (Denoël) de Julie de La Patellière, se retrouve seul après le départ de sa femme. Il quitte son travail, s'isole et tente alors de ressusciter son passé. Dans Un drame ordinaire d'Anne-Sophie Barrovecchio (Le Passage), une femme pleure en silence l'homme aimé, mort après l'avoir quittée. Et dans Dieu reste seul dans son paradis de René de Santis (Autres temps), l'épouse du compositeur Danny Cohen meurt dans un accident de la route, ce qui va le faire sombrer dans la mélancolie.

HISTOIRE

L'homme-parapluie de Jean-Luc Roffé rapporte une mosaïque d'histoires : le ghetto de Varsovie, juin 1940 et la France occupée, Mai 68 et la guerre d'Indochine (Michel de Maule). La Tunisie des années 1940-1960 est ravivée dans Saadani, le bienheureux de Georges Chelly (Cartaginoiseries) à travers les souvenirs heureux de Georges, issu d'une famille juive traditionnelle. La jeune patriote Marie vit la période tragique de l'annexion de l'Alsace et de la Lorraine dans Quand la guerre s'en mêle : les années noires par Madeleine Zimmermann Munsch (J. Do Bentzinger). Dans les coulisses de mes exploits... obscènes, écrit par le journaliste de télévision Patrick Quérou, traite d'un reporter qui va se confronter au génocide rwandais (Riveneuve).

RARES

Deux genres, sous-représentés, sont à signaler : l'échange épistolaire entre Sarah, une étudiante en lettres, et un jeune poète qui de questions littéraires va dériver vers des sujets plus intimes (Dans le square, Laurent Belskis, Buchet-Chastel), et le journal de stage de Bruno Migdal, sous forme de comédie humaine en immersion dans une maison d'édition parisienne avec ses codes et son histoire (Petits bonheurs de l'édition, La Différence).

Domaine étranger : entre vedettes et surprises

 

Chico Buarque, Antonia S. Byatt, Michael Cunningham, David Lodge et Carlos Ruiz Zafon sont quelques-uns des grands noms attendus à la rentrée de janvier, qui réserve aussi quelques curiosités comme la nouvelle version du Nom de la rose ou un inédit de Lawrence Durell.

 

Avec 169 romans étrangers en janvier et en février, contre 181 l'an dernier pour la même période, la rentrée littéraire 2012 est prudente. En ces temps de crise, les éditeurs s'appuient sur des valeurs sûres, auteurs connus des lecteurs français. Ainsi seront présents à la rentrée Michael Cunningham (Crépuscule) et Lionel Shriver (Tout ça pour quoi), tous deux chez Belfond ; Christopher Isherwood, dont Fayard publie Tous les conspirateurs, son premier roman écrit en 1926, Ismaïl Kadaré avec un recueil de nouvelles, La provocation et autres récits, et Anthony Trollope avec Le docteur Thorne (tous deux également chez Fayard). Chez Flammarion, Antonia Susan Byatt met en scène une romancière pour la jeunesse en 1895 (Le livre des enfants), tandis que Gallimard annonce le Brésilien Chico Buarque avec un roman sur la filiation (Quand je sortirai d'ici) et le nouveau Martin Amis (La veuve enceinte), dont la femme, Isabel Fonseca, est aussi présente en cette rentrée avec Attachée chez Métailié. Chez Laffont, Carlos Ruiz Zafon est en vedette avec Le palais de Minuit et, chez Rivages, David Lodge devrait faire rire ses lecteurs avec les aventures sexuelles d'Un homme de tempérament. On pourra lire la nouvelle version du Nom de la rose, voulue par Umberto Eco (Grasset), Petite musique pour amoureux, un inédit en France de Lawrence Durrell, publié en 1935 (Buchet-Chastel), et Muss, une curiosité de Curzio Malaparte, sur fond de montée du fascisme en Italie (La Table ronde).

RETROUVAILLES

On retrouvera aussi Nicholas Evans et Tom Franklin (Albin Michel), Kenneth Cook (Autrement), Guillermo Fadanelli, Thomas McGuane et Juan Marsé (Bourgois), Andrea Camilleri (Fayard), Iouri Bouïda (Gallimard), Stephen L. Carter (Laffont), Andreï Kourkov (Liana Levi), Jonathan Ames et Dermot Bolger (J. Losfeld), Giancarlo De Cataldo, Lidia Jorge et Pablo de Santis (Métailié), Lauren Groff (Plon), Joyce Maynard (Philippe Rey), Antonio Munoz Molina (Seuil) et Edna O'Brien (Sabine Wespieser). Et Augusten Burroughs (Héloïse d'Ormesson) et Antonio Pennacchi (Liana Levi), qui changent d'éditeur.

On devrait entendre parler des Allemands Edgar Hilsenrath, qui clôt sa trilogie avec Nuit, censuré pendant vingt ans dans son pays (Attila), et Kaui Hart Hemmings, avec The descendants (Actes Sud), un roman familial dont l'adaptation au cinéma par Alexander Payne sort à la même date, et du cinéaste Takeshi Kitano, qui ouvre la section littérature japonaise des éditions Wombat avec Boy. David Mitchell, avec un roman d'aventures sur le Japon du XIXe siècle, et Gary Shteyngart, présenté comme l'un des meilleurs auteurs de sa génération par le New Yorker (tous deux à L'Olivier), sont particulièrement attendus. Le rire comme solution à la crise ? L'Israélien Benny Barbash livre Monsieur Sapiro (Zulma), "association criminelle d'un Kundera et d'un Woody Allen", l'Américain Jonathan Miles un roman épistolaire adressé à Dear American Airlines (Nil), et le Mexicain David Toscana une fable loufoque dans laquelle cinq ados simplets assaillent Fort Alama (L'armée illuminée, Zulma).

Avec près de 60 % des traductions (106 titres dont 52 traduits de l'américain), la littérature anglo-saxonne est un refuge. Les langues européennes - l'espagnol avec 15 titres (dont 5 traduits du mexicain), l'allemand avec 10 titres (dont un de l'autrichien) et l'Italien avec 9 titres - résistent bien, au détriment de langues plus rares comme l'arabe (un livre égyptien et un irakien), ou l'albanais, le croate, le serbe et le tchèque, qui n'ont qu'un titre chacun. Très présents dans le polar, les Scandinaves ne se sont guère représentés dans cette rentrée (un seul titre traduit du norvégien, du danois et deux du suédois).

DÉCOUVERTES

La production de janvier et de février réservera cependant quelques découvertes. Calmann-Lévy mise sur Jane Mendelsohn, avec American music, une "méditation sur l'amour et la mémoire du corps". Gallimard publie Jésus le bon et Christ le vaurien, du très érudit Philip Pullman, connu pour ses livres pour la jeunesse. Intervalles s'intéresse aux baby-boomers de Linda Grant. Albin Michel croit beaucoup en une nouvelle génération avec la Finoise Riikka Pulkkinnen et l'Allemande Judith Hermann. Tandis que First lance une nouvelle collection, "Escales", avec le premier roman d'Amy Sackville, Là est la danse, finaliste de l'Orange Prize. C'est aussi l'occasion de lire les premiers romans de Janet Skeslien Charles (Liana Levi), Araminta Hall (Belfond), Patricia Engel (Anne Carrière), Yuri Herrera (Gallimard), David Levithan (Grasset), Bruce Machart (Gallmeister), Justin Torres (L'Olivier). Avant de clore avec Les voleurs de Manhattan d'Adam Langer (Gallmeister), qui peint "une arnaque littéraire et un monde décadent d'éditeurs".

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