La contrefaçon d’une œuvre
L'affaire opposait deux auteurs, compositeurs et coéditeurs de l'œuvre musicale intitulée « Un monde sans danger » (générique de la série Code Lyoko, déposée en 2004), ainsi que l’adaptateur de la version anglaise « A world without danger », à plusieurs entités, dont des compositeurs, ainsi que des sociétés d'édition, de production et de distribution (notamment les sociétés BMG, EMI et Universal Music France). Les demandeurs soutenaient que leur œuvre avait été copiée par le groupe The Black Eyed Peas dans le titre « Whenever », figurant dans l'album « The Beginning », commercialisé en 2010.
Elle a permis à la première chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt de cassation rendu le 3 septembre 2025 (n° 23-18.669), de se prononcer sur la détermination du point de départ du délai de prescription applicable à l'action en contrefaçon de droits d'auteur lorsque celle-ci résulte d'une succession d'actes distincts ; réaffirmant l'autonomie de chaque acte de diffusion.
Prescription de la contrefaçon
Dans son arrêt, la cour d'appel de Paris avait déclaré l'action en contrefaçon irrecevable comme étant prescrite en relevant que l'album litigieux était sorti en 2010 et que les deux auteurs avaient adressé une mise en demeure dès le 30 décembre 2011. En conséquence, elle avait estimé que les titulaires du droit avaient connaissance des faits leur permettant d'agir dès cette date. L'action intentée plus de cinq ans plus tard était ainsi considérée comme forclose. La cour d'appel avait également jugé que les actes de commercialisation et de diffusion ultérieurs, constatés jusqu'en mars et avril 2018 (disponibilité de l'album et du titre sur des plateformes), n'étaient que le « prolongement normal » des actes réalisés antérieurement, et ne permettaient pas de reporter le point de départ de la prescription.
Le point de départ de la prescription en matière de contrefaçon sérielle
Mais la Cour de cassation a rappelé une distinction essentielle en matière de contrefaçon : si l'atteinte résulte d'un acte unique s'étant prolongé dans le temps, la prescription court à partir de la connaissance de cet acte. En revanche, lorsque la contrefaçon découle d'une succession d'actes distincts, qu'il s'agisse d'actes de reproduction, de représentation ou de diffusion, la prescription court séparément pour chacun de ces actes, et ce à compter du jour où l'auteur a connu ou aurait dû connaître l'acte en question.
En l'espèce, la Cour de cassation a relevé que la cour d'appel avait elle-même constaté l'existence d'actes de diffusion de l'œuvre contrefaisante (commercialisation et diffusion sur plateformes en 2018). Ces actes de diffusion étaient antérieurs de moins de cinq années à l'introduction de l'action. En qualifiant ces actes de diffusion récents de simple « prolongement normal » des actes antérieurs, et en déclarant malgré leur existence l'action prescrite, la cour d'appel a ignoré le caractère distinct et autonome de chaque acte de contrefaçon.
Renforcement de la protection des droits d’auteur
Cette décision, qui rappelle que le point de départ du délai de prescription applicable à l'action en contrefaçon de droits d'auteur recommence à chaque acte distinct, renforce ainsi la protection des droits d’auteur ; réaffirmant l'autonomie de chaque acte de diffusion.