TRIBUNE

Du prix des livres français en Suisse

Du prix des livres français en Suisse

Pascal Vandenberghe, directeur général de Payot Libraire, appelle les fournisseurs français à répercuter dans leurs tarifs la baisse de l'euro par rapport au franc suisse.

J’achète l’article 1.5 €

avec Créé le 03.09.2015 à 21h02

""On vous aime beaucoup, mais dorénavant on va acheter en France ou sur Amazon : c'est beaucoup trop cher ici..." Cette phrase, nos libraires l'entendent de plus en plus régulièrement, et souvent venant de clients anciens, réguliers, fidèles... Il faut des années pour construire la notoriété de qualité d'une entreprise et la fidélité des lecteurs ; il suffit de quelques fournisseurs exclusifs irresponsables et inconscients de la "réalité du terrain" pour la compromettre.

Les libraires suisses achètent leurs livres en Suisse (1), auprès de diffuseurs exclusifs, filiales des groupes français qui décident unilatéralement de répercuter - ou pas - la baisse de l'euro sur le prix de vente en francs suisses, et de garder pour eux - ou pas - les profits liés aux variations du taux de change.

On a lu dans ces colonnes récemment les déclarations salutaires de Jean-Marc Roberts, directeur des éditions Stock, sur la librairie comme "lieu unique pour objet unique" (2). Ses propos résonnent encore plus fort en Suisse romande, car si, en France, les ventes en ligne se développent sans concurrence sur le prix, ce n'est pas le cas ici. Avec la forte baisse de l'euro par rapport au franc suisse (- 38 % en dix-huit mois !) et des prix de vente qui n'ont pour certains diffuseurs pas été revus à la baisse, les écarts de prix, déjà importants auparavant mais encore acceptables par les clients suisses, sont devenus insupportables.

Malheureusement, les éditeurs français sont peu conscients de ce phénomène : l'entière délégation à leur diffuseur de la gestion de leurs prix de vente à l'étranger les a rendus aveugles à une réalité qui met en péril un réseau de librairies incomparablement riche. M. Roberts sait-il que le livre de Laurence Tardieu, La confusion des peines, est vendu ici plus de 65 % plus cher qu'en France ? Sans doute pas. Prise entre le marteau (les diffuseurs exclusifs) et l'enclume (des consommateurs incités à aller acheter en France par l'administration fédérale, les médias et les fédérations de consommateurs), la librairie suisse est aujourd'hui en danger. Alors que les Suisses romands n'ont jamais autant acheté de livres (en moyenne deux fois plus que les Français !), ils se détournent massivement des librairies "brick and mortar" et font le bonheur d'Amazon.fr et consorts.

Mesdames et Messieurs les éditeurs, si vous vous préoccupez du sort de la librairie, adaptez vos prix et nos conditions commerciales ! "

(1) NDA : 80 % des livres vendus en Suisse romande sont des livres d'origine française.

(2) LH 874, du 26.8.2011.

Les dernières
actualités