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D'un fonds d'archives aux librairies, la trajectoire d'un inédit dont Gabriel García Márquez souhaitait « se débarrasser »

Gabriel García Márquez. - Photo © Palomares

D'un fonds d'archives aux librairies, la trajectoire d'un inédit dont Gabriel García Márquez souhaitait « se débarrasser »

Dix après la disparition de l'écrivain colombien, prix Nobel de littérature en 1982, un roman inédit paraît ce 13 mars en France et à l'international. Un événement éditorial précédant l'adaptation de Cent ans de solitude, annoncée par Netflix pour cette année.

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Par Laëtitia Favro
Créé le 12.03.2024 à 15h21 ,
Mis à jour le 13.03.2024 à 09h49

À l'Université du Texas à Austin, le centre d'archives Harry Ransom abrite plus de 42 millions de manuscrits littéraires, parmi lesquels le manuscrit d'un roman inédit qui aurait pu ne jamais franchir les portes de cette imposante forteresse. Les quelques personnes qui avaient pu le consulter étaient pourtant unanimes : Nous nous verrons en août devait être publié, en dépit de sa mise à l'index par son auteur en personne. « Ce livre ne marche pas. Il n'y a qu'à s'en débarrasser », aurait en effet déclaré Gabriel García Márquez à son propos, comme le relatent en postface ses fils et ayants droits Rodrigo et Gonzalo García Barcha. Connu pour réécrire ses romans plusieurs fois jusqu'à en être totalement satisfait, l'écrivain avait révélé en mars 1999, alors âgé de 72 ans, travailler à un nouveau roman dont le personnage principal était une femme. S'il avait affirmé, dans une interview accordée à El País en 2004, être « plutôt satisfait » du développement de son héroïne, nommée Ana Magdalena Bach, il jugeait également que le récit ne fonctionnait pas.

À l'origine, Nous nous verrons en août devait faire partie d'un ensemble incluant trois autres romans, ayant pour point commun de raconter des « histoires d'amour de gens âgés ». « Ce roman faisait partie d'un projet narratif », indiquait il y a quelques jours à la BBC le dernier éditeur de Gabriel García Márquez, Cristóbal Pera. « Je n'ai pas eu à ajouter un mot », précise-t-il, « il n'y avait rien à faire pour terminer quoi que ce soit, il n'y avait rien à ajouter à une phrase ou à une fin, tout était là. » Affecté par une perte de mémoire qui, les cinq dernières années de sa vie, gagnait du terrain, l'écrivain ne pouvait plus composer ni se relire avec sa rigueur coutumière, constat qui l'avait amené à condamner ce dernier texte. « Il n’est, en effet, peut-être pas aussi poli que le sont ses grands livres, préviennent Rodrigo et Gonzalo García Barcha, mais rien qui empêche d’apprécier ce qui s’impose dans l’œuvre de notre père : son inventivité, la poésie de sa langue, sa narration captivante, sa compréhension de l’être humain, dont il aborde avec tendresse les aventures et les mésaventures – tout particulièrement les amoureuses. »

À quarante-six ans, Ana Magdalena Bach a passé vingt-six années de sa vie « en bons termes » avec son mari, le seul homme qu'elle ait connu. Un soir pourtant, alors qu'elle s'est rendue seule, comme chaque année en août, sur l'île où sa mère est enterrée, pour nettoyer et refleurir sa tombe, Ana Magdalena propose à un inconnu de la rejoindre dans sa chambre. Une « coucherie sans amour » qui vient questionner son couple, la famille qu'elle et son époux ont fondée, et la permanence du désir.

Écrivain populaire ayant placé l'amour au centre de son œuvre, Gabriel García Márquez est, selon l'Institut Cervantes, l'écrivain de langue espagnol le plus lu et le plus traduit dans le monde. Une aura qui ne faiblit pas, dix ans après sa disparition, comme en témoigne l'engouement entourant, à l'échelle internationale, la publication de cet inédit. Nous nous verrons en août paraît en effet simultanément ce 13 mars dans une trentaine de pays, chez des maisons prestigieuses telles Knopf aux États-Unis et au Canada, Mondadori en Italie, Kiepenheuer & Witsch en Allemagne, Meulenhoff aux Pays-Bas, Dom Quixote au Portugal, Record au Brésil ou Minumsa en Corée du Sud. Dans l'ensemble des pays hispanophones, il paraît chez Penguin Random House, sauf au Mexique, où il est publié par Planeta. « Ce roman clôt l'ensemble de son œuvre narrative par un fermoir en or. Et je pense qu'au fond de lui, il en était conscient » déclare Cristóbal Pera à la fin de son interview pour la BBC, en se réjouissant que les lecteurs de Gabriel García Márquez puissent aujourd'hui se forger leur propre avis.

 

Nous nous verrons en août, Gabriel García Márquez, traduit de l'espagnol (Colombie) par Gabriel Iaculli, Grasset, 192 pages, 16 euros (en librairie le 13 mars)

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