Roman/Pays-Bas 3 avril Cees Nooteboom

Tout écrivain semble avoir un laboratoire infini dans la tête. Animé par une grande curiosité, Cees Nooteboom est un explorateur de l'âme, singulièrement de la sienne. Il la détricote à longueur de journée, en lisant, en voyageant, en observant le monde environnant. Parmi ses passions, il y a la botanique, qu'il savoure telle une langue étrangère.  La nature qu'il aime voir évoluer et grandir à Minorque, « une île où le vent règne en maître et se déchaîne parfois, entraînant avec lui le sel de la mer ». L'octogénaire - au nom d'arbre - se régénère dans son jardin, tout en songeant à son âge avancé. « C'est comme si je me composais déjà pour partie de matière morte et qu'en même temps, il me vienne de nouveaux membres. » Nooteboom les nourrit activement en plongeant dans sa bibliothèque, enrichie de poésie, de Canetti, Gombrowicz ou Philip Roth. « Le hasard n'existe pas pour les lecteurs. » Une analyse des textes qu'il partage au fil des pages de ce cahier, composé entre 2014 et 2016. « L'écriture vit de secrets. » Comment l'auteur construit-il son monde ? Il nous fait pénétrer dans « son cabinet de travail » ou les entrailles de ses pensées. Son premier livre, Philippe et les autres (Folio, 2006), présentait un écrivain se donnant la mort, « sans doute pour ne pas avoir à le faire [lui]-même ». Sa plume romanesque en est restée muette plus d'une décennie, comme s'il fallait d'abord vivre avant de s'y remettre.

A force d'évoquer Thanatos, il exhume discrètement des fragments d'existence. « Et moi avec ma nostalgie ? » Ici et là, il se confie discrètement sur son enfance chahutée par la guerre. Ses parents étant divorcés, il rejoint sa mère à la campagne lors de l'« hiver de la faim », en 1945. Il ne verra plus son père, puisque celui-ci périt dans les bombardements de La Haye. Le garçon de 12 ans a la vie sauve, mais il reste hanté par la mort (Tumbas : tombes de poètes et de penseurs, Actes Sud, 2009). Lui qui a connu la guerre dans sa chair scrute l'actualité qui le renvoie aux « constantes de l'Histoire. Jusqu'à quel âge doit-on se soucier du monde ? Je suis né avant une guerre, mon père est mort au cours de cette guerre, ensuite il y a eu des guerres pendant tout le reste de ma vie.» Cees Nooteboom reflète néanmoins une certaine sérénité, probablement liée à la traversée de multiples saisons. Parfois, il a des interrogations puisées dans la philosophie infantile : « Où nous trouvons-nous lorsque d'autres gens rêvent de nous ? Je me regarde suffisamment dans un miroir, mais dans mes rêves je ne me suis encore jamais vu. » Si ce n'est dans ses écrits et son envie de goûter sans cesse à l'inconnu. « Il y a toujours un royaume inexploré de variantes possibles. »

Cees Nooteboom
533 : le livre des jours - Taduit du néerlandais (Pays-Bas) par Philippe Noble
Actes Sud
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 22,50 euros ; 288 p.
ISBN: 9782330120689

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