Telle une lanterne fidèle, Marie veille son mari. Eden est rentré de la guerre d'Irak dans un état déplorable. A chacun son devoir : lui devait défendre son pays, elle n'a pas le droit de l'abandonner ou de s'écrouler. Le centre des grands brûlés de San Antonio est le théâtre de ce drame mutique. Le temps y semble englué dans un chewing-gum morose. Jour et nuit, Marie se trouve à son chevet en espérant que son état s'améliore, mais trois ans plus tard, le coup du sort s'impose durablement. Eden, ce gaillard de cent kilos, semble réduit en miettes. Sa carcasse cassée respire toujours, mais que se passe-t-il en lui ? Pourquoi se sent-il envahi par une armée de blattes ? Qui peut saisir ses cris de SOS ? Son ami le narrateur, fidèle observateur, ou sa femme, vaillant soldat aux secrets si mitigés ? Chacun revisite le passé en complétant le puzzle.

L'amour est toujours une force salvatrice, qui se veut l'encrier des protagonistes. Eden « lisait Marie comme du braille. Sa femme. L'odeur d'eau et de savon. » Même dans cette chambre d'hôpital, elle apaise le blessé par sa simple présence. Doit-elle décider de plonger son époux éternellement dans les bras de Morphée ? Que saisit-il du fin fond de son coma ? Marie reste animée par « le besoin désespéré qu'Eden continuait à s'accrocher. Dans le corps d'Eden, elle perçut un sol gelé. L'écorce d'un arbre. Du sable cuit. Les textures d'Eden formaient une mosaïque variée. » Il en va de même de ce roman à la densité incroyable. Chaque couche d'émotion paraît enfouie sous les gravats des non-dits. Pourquoi ne pas espérer l'impossible ? Après tout, ils ont eu tant de mal à avoir leur fille. Andy court dans les couloirs, comme si la vie reprenait tous ses droits. Mais ça, c'est une autre histoire...Lorsqu'on apprend qu'Elliot Ackerman a été lui-même vétéran des Marines ou employé à la Maison-Blanche, on en a froid dans le dos. Quelles sont les séquelles de ses missions en Irak ou en Afghanistan ? Est-ce là qu'il a puisé toute cette douleur impalpable ? Son sens de la psychologie enferme dans un enfer, teinté d'humanité. Les mots sont comme des épines tranchantes. Les larmes n'ont pas le temps de couler, tant chacun se bat pour résister. Une force de vie mise à rude épreuve. Face à elle, quels liens persistent malgré tout ?