Livres Hebdo : Quand est née l’idée de BUG ?
Enki Bilal : Cela remonte déjà à loin, en 1997, au moment du Sommeil du monstre. Un livre qui traitait de l’obscurantisme, avec l’éclatement de la Yougoslavie, le pays de mes origines, transposé à l’échelon planétaire. Je cherchais des thèmes universels, qui puissent parler à tout le monde. M’est venue l’idée de la planète se révoltant, comme un être humain.
Sans tout dévoiler, quelle est la trame de ce livre 4 ?
C’est l’histoire d’un bug informatique généralisé, que l’on redoutait déjà lors du passage à l’an 2000. Tout est à l’arrêt, soit 99,99 % du monde. Un homme, Kameron Obb, à son insu, garderait la mémoire du monde. Il a survécu à la perte d’une mission sur mars, sabotée par un alien. L’intrigue se déroule en 2041-2042. Afin d’éviter le réalisme. Je ne montre pas l’horreur qui résulterait pour le monde, ni la mécanique de la mémoire qui disparaît. Et puis, il y a une note d’espoir : une fille, Gemma, essaie de retrouver son père…
Depuis le premier BUG, presque dix ans se sont écoulés. Saviez-vous, dès sa conception, dans quel grand chantier vous vous lanciez ?
Bien sûr. Je savais que ce serait un gros livre, en cinq volumes, et puis les sujets des différents livres ont été nourris par les événements, ma réflexion personnelle. BUG, c’est moi ! Si je ne faisais que cela, il me faudrait environ un an par album. Mais comme ce n’est pas le cas, cela en prend plutôt deux.
Comment travaillez-vous ?
Je fais tout tout seul : je réalise un crayonné à l’ancienne pour chaque case, comme depuis la grotte de Lascaux ! Puis je monte les pages sur l’ordinateur. Je scanne les crayonnés, je les agrandis, et je peins dessus en couleur, ensuite je rajoute le texte, plutôt volumineux. Ma manière de faire est différente de la BD traditionnelle.
« J’écrirai un jour un roman »
Êtes-vous techniquement conditionné par le format album ?
Non, le roman graphique a fait sauter le carcan des 48 pages traditionnelles. Je suis libre de ma pagination, entre 70 et 80 pages. Seule contrainte : il faut commencer sur une page de droite, et finir sur une page de gauche !
Quand paraîtra le livre 5 ?
Je ne sais pas encore exactement, mais j’y travaille déjà, et j’ai bien avancé. Il sera hybride : il y aura pas mal de texte, comme dans un roman, des photos, et des dessins bien sûr. Le monde où l’on vit, avec l’arrivée de l’IA, l’état de la planète, les conflits qui se généralisent, le règne des dictateurs (Trump, Poutine, Xi Jinping etc.), est en train de nourrir ce livre. Il y sera question de l’effondrement de l’Occident, et de la faillite de l’humain.
Tout cela est bien sombre…
Je ne suis pas pessimiste, mais lucide.
Après BUG, d’autres projets ?
J’ai de plus en plus de plaisir à écrire. J’ai déjà écrit un livre dans la collection « Une Nuit au Musée », Nu avec Picasso (Stock, 2020). J’écrirai un jour un roman. Et puis, il y a un projet d’adaptation de BUG au cinéma, qui devrait être un blockbuster intimiste. J’adore les oxymores : Sublime chaos, Froid équateur… J’ai déjà écrit le scénario, et je réaliserai le film. Je n’ai plus touché au cinéma depuis 2003, et ce ne fut pas un succès. J’espère que cette fois sera la bonne.
Enki Bilal, BUG Livre 4, Casterman, 74 p., 20 E, mise en vente le 29 octobre.
Un Fonds dans le Marais