21 avril > Roman Irlande

En plein scandale des "Panama papers", la traduction de La marqueetle vide de Paul Murray arrive à point nommé. Le dernier roman de l’auteur irlandais né en 1975 nous plonge dans l’univers de la banque d’affaires.

Nous sommes à Dublin, mais nous pourrions tout aussi bien être à New York, Londres ou Tokyo. Bank of Torabundo est passée entre les gouttes, alors que le tsunami provoqué par l’éclatement de la bulle a entraîné la chute des plus puissants : Bear Stearns, Lehman Brothers, Merrill Lynch.

Là nous sommes dans l’après-crise financière mais, les mêmes causes produisant les mêmes effets, à quand la prochaine crise, à moins que celle-là soit existentielle ? Le narrateur, Claude, le "Frenchy" venu s’installer chez le "Tigre celtique" qu’était l’Irlande avant le cataclysme, est d’un milieu modeste et a étudié la philo. En dehors du bureau où il pond ses pronostics, personne ne le connaît : c’est l’"Everyman", le Monsieur Tout-le-monde du salariat. Et pourtant voilà que depuis quelques jours il sent une ombre l’épier. La silhouette en vêtements noirs n’est autre que le romancier du livre que nous avons entre les mains, Paul. L’écrivain souffre du syndrome de la page blanche et a décidé d’y remédier en suivant un banquier - c’est sur Claude que c’est tombé - afin d’en retranscrire la vie.

Aussi touffue et drôle que le précédent, Skippy dans les étoiles, cette métafiction signée Paul Murray nous entraîne dans ses mille rebondissements avec d’irrésistibles reparties dignes de dialogues de séries : "Si tu vas le placer [l’argent] chez le bookmaker, c’est un pari. Mais si tu files deux cent mille balles à un type en costard Armani pour le faire à ta place, c’est un contrat dérivé." Et la spéculation financière d’engendrer la spéculation métaphysique, le titre de l’ouvrage étant inspiré d’un certain philosophe du simulacre, alter ego de Baudrillard, qu’a lu Claude : "La théorie de Texier est que la civilisation occidentale n’est qu’une vaste manœuvre visant à faire oublier ce vide à l’aide d’énormes systèmes de pensées statiques, les religions, l’économie, les sciences, qui découpent tout en petits faits bien carrés, chacun à sa place. On appelle ça de l’analyse, mais c’est de la fuite en avant, rien d’autre." Mais chut ! Il ne faut rien dire, ce serait un délit d’initié. Sean J. Rose

15.04 2016

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