4 octobre > Roman Liban > Jabbour Douaihy

Farid et Perséphone n’avaient en théorie aucune chance de se rencontrer. Lui, pauvre orphelin adopté par un coiffeur, est un rêveur qui s’est lancé à corps perdu dans la rédaction, à la main et en arabe, de l’œuvre de sa vie, qu’il a intitulée Le Livre à venir. Hélas, le titre est déjà pris (par Maurice Blanchot), et tous les éditeurs de Beyrouth refusent son manuscrit. Alors qu’il se résout à publier à compte d’auteur, il débarque chez Karam Frères, la plus vieille et prestigieuse imprimerie de la ville et de tout le Liban, qui fournit l’Etat en journaux officiels, timbres et billets de banque.

L’affaire, fondée par Fouad Karam sous l’occupation turque, est encore dirigée par son descendant, Abdallah dit Dudule. Et la sublime Perséphone n’est autre que son épouse. Au début, leur couple n’allait pas mal. Jusqu’à ce qu’Abdallah soit gravement blessé dans l’attentat qui a coûté la vie à Rafiq Hariri, alors Premier ministre, en 2005. C’est un homme fracassé qui a survécu, et rien n’est plus comme avant entre eux. Perséphone s’ennuie, dort mal. Et, durant ses insomnies, descend dans l’imprimerie. C’est là qu’elle rencontre, une première fois, Farid, engagé par son mari comme correcteur d’arabe. Elle remarque ce manuscrit qui ne le quitte jamais. Sauf une fois. Elle s’en empare, le lit, l’apprécie, et le fait imprimer en secret par Anis, le contremaître, à un seul exemplaire, luxueux, sur le plus beau papier, celui des billets de banque.

Tandis qu’une idylle se noue entre eux, torride et brève, derrière la Heidelberg XL 162 toute neuve qui fait la fierté de la maison, la police financière, secondée par Interpol, débarque à l’imprimerie pour perquisitionner, à la recherche de fausse monnaie : des coupures de 20 euros destinées à la Finlande. Farid, qui n’en peut mais, va se trouver impliqué dans un imbroglio où Karam Frères laissera pas mal de plumes.

Tout cela est composé à la manière d’un conte oriental, avec de nombreux flash-back, et des histoires libano-libanaises parfois difficiles à saisir par le lecteur occidental. Mais la verve de Jabbour Douaihy et le farfelu de ses personnages compensent allègrement jusqu’à la fin, en queue de poisson. J.-C. P.

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