Féminisme

Féminisme : Talents hauts, ce n’est qu’un début…

Mélanie Decourt (à gauche) et Laurence Faron. - Photo olivier dion

Féminisme : Talents hauts, ce n’est qu’un début…

Talents hauts, la petite maison pour la jeunesse ouvertement féministe, fête ses dix ans sous les feux de l’actualité, avec la polémique sur l’égalité hommes-femmes pour toile de fond.

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Par Claude Combet
avec Créé le 15.04.2015 à 22h43 ,
Mis à jour le 16.04.2015 à 02h43

Nous ne faisons pas de coups, nous n’éditons pas de livres militants. Nous publions de bonnes fictions dans lesquelles nous prêtons attention aux discriminations sexistes", proclament Mélanie Decourt et Laurence Faron, fondatrices de Talents hauts. La petite maison jeunesse, créée il y a dix ans avec une vraie volonté féministe, s’est pourtant retrouvée au cœur du débat sur la théorie du genre.

Chez Talents hauts, Rose l’hippopotame renonce au régime, Alizée personnalise sa bicyclette rose et Ulysse préfère le cours de théâtre au football. Si elles revendiquent le féminisme comme étant leur ADN, les deux éditrices veulent faire "passer les idées en douceur". Ainsi, Comme une princesse de Brigitte Minne et Merel Eyckerman, leur meilleure vente, met en scène une héroïne qui a du mal à s’accepter, et Le rêve du papillon noir est un roman initiatique qui raconte aussi la quête de liberté d’une jeune fille mariée de force. "Bousculer les clichés et les images, expliquer les différences pour dire à chaque lecteur qu’il a sa place, utiliser l’humour" sont à la base de leur stratégie. Avec toujours une ambition de qualité "à la fois narrative et graphique car dans Talents hauts, il y a le mot talent", assurent-elles en chœur. Emblématique de cette profession de foi, Le zizi des mots d’Elisabeth Brami, illustré par Fred L., qui vient de paraître, décline pour faire rire "chauffeur"/"chauffeuse", "mandarin"/"mandarine"…

Des libraires très réactifs

"Il y a dix ans, le féminisme était une nécessité. La société et le livre de jeunesse étaient pleins de clichés auxquels personne ne prêtait attention." Balayant les avancées que furent, dans les années 1970, Le Sourire qui mord et la collection "Du côté des petites filles" et les livres d’Adela Turin, la lecture s’est segmentée entre filles et garçons, et "des collections hypersexuées et hypersexistes ont émergé". Alors, elles ont entrepris de les dénoncer. Devenues amies aux éditions Belin où elles ont appris le métier, après un séjour en Grande-Bretagne pour Laurence (dont est née la collection bilingue "Dual"), et une expérience chez Nathan pour Mélanie, qui "faisait des manifs pendant que Laurence était à Londres", elles se sont retrouvées en 2005 autour de ce constat pour fonder Talents hauts.

Dans la tête des mômes

La polémique s’est enflammée en 2014 avec Jean-François Copé qui s’en est pris à l’album Tous à poil (Rouergue, 2011), remettant sur le tapis la question du genre. "C’est une communauté très minoritaire qui a un écho disproportionné par rapport au nombre de personnes qu’elle représente ou aux valeurs qu’elle défend. Ils semblent considérer que les histoires de familles monoparentales dominent dans la littérature pour la jeunesse alors que ce n’est pas le cas", s’indigne Mélanie Decourt, tout en riant : "Nous avons même été attaquées pour Dînette dans le tractopelle !"

"Avec nos auteurs, nous questionnons les clichés. Nous voulons mettre des points d’interrogation dans la tête des mômes comme le dit si bien Elisabeth Brami, sans jamais être donneuses de leçons", poursuit Mélanie Decourt. "Les enfants sont aptes à entendre les nuances. Il faut leur faire confiance", renchérit Laurence Faron.

"La polémique nous a fait perdre du temps. Le risque, c’est l’autocensure, de la part de l’auteur, comme de l’éditeur. Combien de salons ont changé de thème ? Combien de subventions ne seront pas versées ?" s’inquiètent-elles. Mais elles reconnaissent que les débats ont propulsé la littérature pour la jeunesse sur le devant de la scène et obligé les gens à choisir leur camp. "Les libraires ont été très réactifs et nous avons eu des soutiens inédits. Ils ont fait des tables et des vitrines, mis nos livres en pile à la caisse", se réjouissent-elles, encouragées à continuer le combat.

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