Avant-portrait

François-Guillaume Lorrain : un homme de goûts

François-Guillaume Lorrain - Photo olivier dion

François-Guillaume Lorrain : un homme de goûts

Moins lieux de mémoire que mémoire des lieux, Ces lieux qui ont fait la France dresse aussi une forme de portrait chinois de François-Guillaume Lorrain.

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Par Olivier Mony,
avec Créé le 18.09.2015 à 02h03

C’est un type pas banal. Un concentré fascinant de contradictions apparentes. Doué à faire peur et gros bosseur, d’une rigueur à toute épreuve et pourtant inquiet jusqu’à l’anxiété, pur produit de l’élite républicaine (une khâgne à Henri-IV, normalien à 19 ans, agrégé…), ne concevant d’autre accomplissement que par les chemins buissonniers du voyage, du journalisme et de la littérature.

Pour l’exotisme du roman

Avant tout, François-Guillaume Lorrain est un homme de goûts. Le goût de l’histoire, le goût des lieux, le goût du sport, le goût des livres et celui des gens. Il publie Ces lieux qui ont fait la France et ce livre, endeuillé autant qu’enchanté, écrit comme en passant, est peut-être celui qui le résume le mieux. Il s’agit, comme toujours chez lui, d’une quête et d’une enquête. Il s’y promène en faux naïf à vingt-six moments de l’histoire de notre pays, c’est-à-dire vingt-six sites (curieusement, pour l’essentiel, au nord et à l’est du territoire national) marqués par les guerres et autres avanies de l’histoire, dont le souvenir demeure plus ou moins prégnant. Parmi eux, Marignan, Varennes, Montoire, Valmy, mais aussi les champs Catalauniques, Loc-Dieu ou Maillé. Tout un théâtre d’ombres s’échappe de ces pages qui s’ouvrent à Saint-Denis et se closent à Sermages, le village de la force tranquille mitterrandienne. Chemin faisant, c’est moins les forces de l’esprit que croise Lorrain que celles de l’oubli, même si des guides, des vagabonds, des érudits locaux et des notables lui servent tout au long du voyage de Sancho Pança bienveillant.

Bouger, aller voir ailleurs s’il y est, est sans doute une nécessité pour ce garçon qui dit avoir eu "une enfance enfermée où l’Histoire seule était un motif d’évasion". C’était à Saint-Cloud, "ville martyre". Fils de médecins de la banlieue ouest donc, il ne connaîtra d’exil heureux que dans les stades (le Parc des Princes est tout proche) et les salles de cinéma, qu’il découvre vraiment à 17 ans seulement, faisant le mur pour Paris, Texas ou Amadeus. Le pli de l’évasion est pris.

Ce sera, au fil des années, l’Allemagne, Berlin (sur les traces de Walter Benjamin), l’Italie ("j’apprends à parler la langue pour Fellini et Antonioni"), Londres, Florence… Ce sera surtout l’exotisme absolu du roman. "J’écris des romans pour me débarrasser de ma couche culturelle qui s’est accumulée. Je deviens idiot et c’est bien."

Remarqué par Jean-Marc Roberts, il publie le premier, L’élève troublé, à 25 ans. D’autres suivront irrégulièrement, dont le très beau et troublant L’homme de Lyon (Grasset, 2011), en fonction de son bon plaisir, de son angoisse aussi et du temps que lui laisse sa vie de journaliste au Point. Comme il le dit joliment, "la fiction est mon grand bonheur. L’histoire y est sans domicile fixe."Olivier Mony

François-Guillaume Lorrain, Ces lieux qui ont fait la France, Fayard, Prix : 20 €, 330 p., Sortie : 5 octobre, ISBN : 978-2-213-68750-6

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