Récit/France 3 janvier Tatiana Vialle

Selon le principe de la collection « Les affranchis », Tatiana Vialle a rédigé une lettre qu'elle n'a jamais écrite à l'attention de quelqu'un, jamais nommé, mais où l'on reconnaît aisément l'acteur Jean Carmet, d'ailleurs en photo sur le bandeau de couverture. Tout au long du livre, à la première personne, elle va suivre la même ligne : transposer en fiction son histoire familiale, personnelle, en déguisant les noms. Elle-même devient Natacha, sa mère Sonia s'appelle Olga, son second mari, Bruno, se nomme Boris. Et peut-être aussi en a-t-elle inventé. Peu importe, c'est son choix.

Alors que, entre sa mère chanteuse et son père acteur, le couple s'était délité, apparaît dans le paysage un type qu'elle trouve tout de suite « moche », alors que son père est beau, et qu'elle déteste illico parce qu'il s'installe dans leur maison et prend la place, justement, du père légitime. Lui-même se présente comme « Gros bête », tandis que Natacha se rebelle et se réfugie chez ses grands-parents auvergnats, et paternels.

Au début, la cohabitation est chaotique, voire hostile, d'autant que Carmet, encore inconnu, connaît de gros problèmes d'argent. Puis le succès vient tout à coup, le cinéma se l'arrache. Il touche de gros cachets, et se transforme en « tyran domestique », hypocondriaque et parano, cantonnant Olga dans le rôle de femme soumise. « Je le hais », écrit Tatianatacha. Mais elle va petit à petit évoluer, mûrir aussi, et finir par découvrir l'être sous la carapace et derrière les apparences. « Nous nous sommes adoptés », note-t-elle joliment. Et jamais le beau-père ne parviendra à l'empêcher de faire à son tour l'actrice, et de mener une vie de patachon.

Quand Carmet meurt, en 1994, à l'âge de 74 ans, elle se dit « orpheline ». Le livre s'achève sur sa tombe, au cimetière Montparnasse, bien oubliée.

Depuis, Tatiana a fait sa vie, mené une carrière éclectique dans le cinéma. Elle s'est reconstruit une famille et vit à la campagne. Mais elle n'oublie pas « Gros bête ». Ce texte en est la preuve, qu'elle a joué sur scène en juillet 2018 à Avignon.

Tatiana Vialle
Belle-fille
Nil Éditions
Tirage: NC
Prix: 12 euros ; 160 p.
ISBN: 9782378910136

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