2 FÉVRIER - ROMAN France

Stéphane Héaume- Photo HERMANCE TRIAY/SEUIL

New York, de nos jours. Sheridan Grimwood a mauvaise mine. Au coeur de la nuit, la "success story" de ce jeune mécène amateur d'art et surtout d'opéra, héritier d'une considérable fortune, gérant d'un fonds d'investissement, prend des contours plus indistincts, presque inquiétants. A l'heure où tous les chats et les nightclubbers sont gris, Sheridan s'étourdit de brèves rencontres, épidermes et solitudes frôlés, pour mieux tenir à distance ses fantômes intimes. Et d'abord celui de Lawrence McDermott, aussi perclus de dons et de beauté que de vices et qui, à la mort accidentelle de sa soeur Blanche, a disparu de la vie de Sheridan...

Tel est l'argument de Sheridan square (doit-on dire le livret, tant ce livre emprunte de façon mimétique à l'univers lyrique ?), le sixième roman de Stéphane Héaume. Peut-être le plus ambitieux depuis Le fou de Printzberg (Anne Carrière, 2006). Il est aussi question en ces pages d'un mystérieux sérum, de génome humain, du désert de l'amour et d'assassinats (et d'abord celui de l'innocence) dans cette tragédie new-yorkaise pour "beautiful people". Héaume s'y montre à son meilleur en matière de jubilation romanesque et de perversion du récit de genre. Se tenant à équidistance des impasses du "psychologisme" comme de celles du pastiche, il parvient à rendre crédible un récit qui se donne pour moteur romanesque la mise en doute du réel. Sans doute sa connaissance intime de l'univers de l'opéra (il ne cache rien de ce que ce Sheridan square doit à L'affaire Makropoulos de Janacek ou au Billy Budd de Britten) comme de New York, où il vécut plusieurs années, n'y est-elle pas pour rien. Cette fantaisie noire, cette liberté sont suffisamment rares dans le paysage littéraire français pour être appréciées à leur juste valeur.

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