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Impôts : le filet se resserre autour d’Amazon

Photo Olivier Dion

Impôts : le filet se resserre autour d’Amazon

La Commission européenne a publié la synthèse de son enquête concernant les avantages fiscaux dont Amazon bénéficie avec l’aide du Luxembourg. La procédure devrait se poursuivre devant la Cour de justice de l’Union européenne.

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Par Hervé Hugueny,
Créé le 30.01.2015 à 01h03 ,
Mis à jour le 30.01.2015 à 10h20

Toute aide illégale pourra faire l’objet d’une récupération auprès de son bénéficiaire", prévient la Commission européenne dans la lettre (disponible sur Livreshebdo.fr) informant le gouvernement luxembourgeois de l’ouverture d’une procédure concernant les avantages fiscaux accordés à Amazon. La restitution pourrait dépasser les 500 millions d’euros. Amazon Europe Holding Technologies SCS, la société qui aspire les bénéfices des filiales européennes du groupe américain, a en effet empilé plus de 1,6 milliard d’euros de réserves depuis sa création en 2004, sans reverser le moindre centime d’impôt.

Une aide d’Etat déguisée et illégale

Dans ce courrier daté du 7 octobre 2014 et rendu public le 16 janvier dernier, la Direction générale de la concurrence détaille le montage qui permet à Amazon de bénéficier d’une aide d’Etat déguisée et illégale, estiment les enquêteurs de la Commission. Le système d’évasion fiscale était déjà connu (1), mais la procédure ouverte permet d’en savoir plus, en dépit de la mauvaise volonté du Luxembourg à communiquer les informations demandées par la DG concurrence.

Formellement, toutes les filiales d’Amazon implantées dans cet Etat grand comme un demi-département français sont soumises à l’impôt sur les bénéfices. Amazon EU SARL, qui encaisse les paiements de tous les clients européens, a ainsi versé 5,5 millions d’euros d’impôt en 2013 (dernier bilan publié) pour un bénéfice de 28,8 millions d’euros. Un profit insignifiant par rapport à ses 15,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, car elle a reversé 636,6 millions d’euros de royalties pour l’usage de brevets détenus par la holding. Celle-ci "semble avoir pour unique fonction la concession de sous-licences sur des droits de propriété intellectuelle qu’elle n’a pas développés", estime la Commission. Il s’agit d’une société en commandite simple (SCS), dont les impôts devraient être prélevés sur les dividendes encaissés par sa maison mère américaine. Sauf que la holding européenne ne rapatrie aucun bénéfice aux Etats-Unis. Amazon ne paie donc quasiment pas d’impôt sur ses bénéfices européens.

Le montage consiste à réduire artificiellement le profit des filiales assujetties à un impôt normal, pour le faire remonter dans celle qui n’a rien à verser. Le Luxembourg a validé ce système en 2003 et ne l’a pas remis en cause depuis, alors qu’il aurait dû le faire "compte tenu de l’évolution de l’environnement économique", juge la DG concurrence. Elle n’a pas obtenu de documents justifiant le niveau de la redevance annuelle pour l’usage des brevets. Les enquêteurs ont quand même étudié son calcul, apparemment rigoureux. Ils sont arrivés à une conclusion simple : "La règle décrite semble n’être qu’un moyen de pure forme de présenter la redevance."

Une tuyauterie financière encore plus complexe

La DG concurrence va poursuivre son enquête approfondie et si aucun élément nouveau ne l’entraîne à réviser son hypothèse initiale, elle transmettra ce dossier à la Cour de justice de l’Union européenne. Le Luxembourg a affirmé que sa fiscalité respecte la réglementation européenne. Amazon déclare ne recevoir aucun avantage particulier du grand-duché. Mais le groupe a encore complexifié sa tuyauterie financière, en ajoutant une filiale à 100 % d’Amazon Holding. Dénommée Amazon Europe Core, cette société a reçu en actif 100 % du capital de la société opérationnelle du groupe, Amazon EU SARL. Selon ses statuts, elle doit "fournir des services de e-commerce, des dispositifs ou technologies à travers divers sites Internet disponibles pour toute succursale ou filiale" du groupe Amazon ou pour des tiers.

(1) Voir LH 937, du 18.1.2013, p. 18-19.

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