19 janvier > Roman Indonésie > Pramoedya Ananta Toer

C’est l’un des événements de cette rentrée en littérature étrangère. Zulma a décidé de publier l’intégralité de Buru quartet, la tétralogie romanesque monumentale écrite, à partir de 1975, par Pramoedya Ananta Toer (1925-2006), l’un des grands écrivains indonésiens contemporains, que ses compatriotes appellent "Pram" et que la critique a parfois comparé à Soljenitsyne. Ne serait-ce que parce que Pram a passé de nombreuses années en prison.

De 1947 à 1949, il y était en tant qu’opposant au gouvernement colonial des "Indes néerlandaises". La lutte des élites intellectuelles indonésiennes pour leur indépendance et contre le racisme, l’esclavagisme de leurs colonisateurs, est d’ailleurs le thème central du Monde des hommes. Mais l’écrivain a aussi été persécuté et emprisonné après l’indépendance (en tant que communiste "prochinois") par le gouvernement Soekarno, puis par le dictateur Suharto. Et c’est en prison qu’il a imaginé Buru quartet, en le racontant à ses codétenus. Son œuvre, jusqu’à sa mort, est demeurée largement censurée. Il est dommage que Toer, plusieurs fois sélectionné pour le prix Nobel, ne l’ait jamais reçu. Il l’aurait mérité.

Jusqu’à présent, quelques-uns de ses livres ont été publiés en France de façon aléatoire, dont La vie n’est pas une foire nocturne, ("Connaissance de l’Orient", Gallimard, 1993). Le monde des hommes, lui, avait déjà été traduit en 2001 chez Rivages. C’est de cette traduction qu’est partie Dominique Vitalyos pour Zulma. Le monde des hommes se situe à Surabaya et dans les environs, sur l’île de Java, à partir de 1898. Le jeune héros, Minke (c’est son surnom, il refuse de livrer ses vrais nom et prénom, pratique courante là-bas), est un indigène musulman, fils de fonctionnaire (lequel sera nommé bupati, raja local). Il fait de brillantes études au lycée HBS. Très doué en littérature, il devient journaliste à succès et nouvelliste (sous pseudonyme). Dans ses textes, il s’inspire largement de son vécu, de ses aventures et mésaventures, depuis qu’il a fait la connaissance de la famille Mellema. Il y a là Hermann, un riche fermier et industriel néerlandais, devenu fou après que son fils légitime, resté vivre aux Pays-Bas, est venu lui contester ses titres de propriété, et son esclave-concubine Nyai Ontosoroh, une maîtresse femme. Et leurs enfants bâtards : Robert, le fils malfaisant, et sa sœur Annelies qu’il aurait violée. Minke en tombe amoureux et finira par l’épouser. Mais les méchants veillent dans l’ombre.

C’est foisonnant, passionnant, exotique et inconnu chez nous. Le tome 2, Enfant de toutes les nations, sortira chez Zulma en mars.

J.-C. P.

Les dernières
actualités