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Interforum : le distributeur qui imprime

Le site d’Interforum à Malesherbes, dans le Loiret. L’installation du pôle impression est en cours. - Photo Olivier Dion

Interforum : le distributeur qui imprime

La filiale logistique d’Editis s’est alliée avec la société américaine Epac pour installer à Malesherbes une chaîne de fabrication qui pourra produire dix millions de livres par an.

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Par Hervé Hugueny,
Créé le 02.09.2016 à 01h30 ,
Mis à jour le 02.09.2016 à 08h29

Les travaux ont commencé depuis plusieurs mois à Malesherbes, où se trouvent les entrepôts d’Interforum, la filiale de distribution-diffusion d’Editis. Sur un terrain mitoyen des bâtiments principaux, la société américaine Epac installe dans un ancien hall de stockage une imprimerie qui travaillera en exclusivité pour le groupe français. "La production démarrera début 2017 pour les éditeurs du groupe, puis pour les éditeurs clients d’Interforum", annonce Alain Kouck, le président du groupe.

"Notre nouveau système ne cherchera pas à éviter les retours, mais le stockage et les manquants." Eric Lévy- Photo OLIVIER DION

"Dans un premier temps, trois presses numériques seront installées, qui auront une capacité d’impression de 10 millions de livres par an, soit environ 10 % de notre volume annuel d’expédition", ajoute Eric Lévy, P-DG d’Interforum. A terme, la capacité de production pourra doubler. Les recrutements ont commencé, et cette imprimerie d’un nouveau genre devrait employer une trentaine de personnes qui travailleront en trois équipes.

Le projet rappelle la première expérience d’Editis, abandonnée en 2008. Le groupe avait créé Bookpole, une filiale commune avec l’imprimeur Maury, implanté aussi à Malesherbes. L’objectif était de rapprocher la fabrication de la distribution et de réduire les stocks, mais l’impression numérique n’en était qu’à ses débuts, trop coûteuse et pas assez performante. Une décennie plus tard, les progrès des presses numériques sont indéniables et la volonté de réduire les stocks pour améliorer la rentabilité est inchangée. "Les livres seront imprimés à la commande, lorsqu’ils seront déjà vendus. Ils seront livrés dans le même carton que ceux qui seront en stock, explique Eric Lévy. Une passerelle va relier le bâtiment de l’imprimerie à celui du réassort, pour le convoyage des ouvrages produits qui rejoindront ainsi le cycle de préparation classique."

Rodé aux Etats-Unis

Epac a rodé cette organisation avec Ingram, premier grossiste et distributeur de livres nord-américain. Trois unités comparables à celle qui est en cours d’installation à Malesherbes fonctionnent aux Etats-Unis et au Mexique. Fondée en 2000 par Sasha Dobrovolsky (qui n’a pu être joint), l’entreprise a déposé plusieurs dizaines de brevets sur ses process de fabrication de livres à la demande. En 2003 puis en 2006, elle a levé successivement 12,8 puis 40 millions de dollars pour financer son développement. Elle cherchait à s’implanter en Europe, et a trouvé son premier partenaire en France.

En octobre 2015, elle a créé sa filiale française Epac Systemes dont la direction a été récemment confiée à Franz Affentranger, un consultant suisse spécialiste de l’imprimerie, qui a déjà mené des projets de développement pour la société américaine. "Epac finance entièrement son implantation en France", indique Eric Lévy, qui ne précise pas les termes du partenariat avec Interforum, qu’il s’agisse du volume de fabrication garanti, ou des prix.

Jusqu’à 3 000 exemplaires

Sur 100 000 références, Editis en a identifié 15 000 qui ne seront plus stockées, mais imprimées en fonction des commandes. "Nous pourrons aller jusqu’à 40 000 références", envisage Eric Lévy. Mais avec des presses capables de fabriquer 10 millions de livres par an, cette imprimerie ne produira pas que du livre à l’unité. "Les tirages pourront aller jusqu’à 3 000 exemplaires, pour le même coût qu’à l’unité. Les tirages inférieurs à 2 000 exemplaires reviendront moins cher que les solutions extérieures que nous utilisons actuellement. La différence sera même très importante pour la fabrication à l’unité", insiste le P-DG d’Interforum.

La production sera organisée en deux catégories : "on line" pour les livres non stockés imprimés instantanément en fonction des demandes puis expédiés sur-le-champ, et "off line" pour des courts tirages ajustés. Le cœur de l’organisation repose sur l’intégration des logiciels de gestion de stock et de fabrication, et la performance des presses : un livre est fabriqué en 6 secondes. L’Espresso Book Machine, le robot imprimeur installé dans la librairie des Puf, à Paris (6e), en fait, lui, un en six minutes.

Ne plus gâcher

"Le cas le plus fréquent, c’est un tirage initial à 3 000 exemplaires, pour une mise en place à 2 400, et un talon qui reste en stock en prévision des réassorts. Mais huit fois sur dix, cette réserve ne sort jamais et finira au pilon. C’est un gâchis encore pire qu’un retour, où le livre a quand même eu une chance d’être vendu. Mais il peut arriver aussi que ce talon soit insuffisant lorsque la demande s’emballe, et on rate alors des ventes. L’objectif est de tirer au plus juste, en fonction de la mise en place, et de réimprimer très rapidement la quantité nécessaire au réassort, pour ne jamais subir de manquant. Une partie de nos stocks deviendra virtuelle", explique Eric Lévy. Lors des mises en place, les retirages seront lancés après vérification des premières ventes, et non plus en fonction des demandes des réseaux, motivées parfois par la seule crainte d’être en rupture.

Bien que ce poste du bilan soit étroitement surveillé depuis plusieurs années, le groupe stocke encore une centaine de millions de volumes, ce qui représente une immobilisation financière de plusieurs dizaines de millions d’euros. Sa réduction représentera donc un gain appréciable. Tous les éditeurs étant confrontés au même souci, "Interforum proposera bien sûr cette solution à tous les éditeurs clients de sa diffusion-distribution, et espère en gagner d’autres grâce à cet avantage concurrentiel significatif", anticipe Alain Kouck.

Côté libraires, il n’y aura plus de différence de statut de livre. Actuellement, les titres en impression à la demande sont signalés par le sigle IAD, signifiant qu’il s’agit d’une commande ferme sans possibilité de retour. Editis, qui sous-traite ce service à l’extérieur pour le moment, comme Hachette, qui dispose de son unité de fabrication à Maurepas en filiale commune avec Lightning Source, ne veulent pas s’encombrer de retours de livres très peu demandés, dont la fabrication leur a coûté cher. "Notre nouveau système ne cherchera pas à éviter les retours, mais le stockage et les manquants", insiste Eric Lévy.

Les trois machines permettront aussi de proposer une plus large gamme de papiers et de formats, jusqu’au poche si nécessaire. "Nous pourrons réaliser à l’identique environ 70 % des types de fabrication recensés", précise le P-DG d’Interforum. Et d’ajouter que les livres ainsi fabriqués à la commande seront forcément toujours neufs, alors qu’un ouvrage stocké pendant cinq à six ans finit toujours par jaunir.

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