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Intervalles monte en gamme

“Il faut du temps pour asseoir la crédibilité d’un éditeur auprès de ses partenaires.”Armand de Saint-Sauveur - Photo Olivier DION

Intervalles monte en gamme

Huit ans tout juste après sa création, la maison créée et dirigée par Armand de Saint-Sauveur entre dans la cour des grands avec un roman sélectionné sur la première liste du Femina et un autre cité par les libraires comme un de leurs coups de cœur de la rentrée.

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Par Clarisse Normand
Créé le 25.10.2013 à 19h00 ,
Mis à jour le 30.10.2013 à 15h28

Pour la première fois cette année, Intervalles joue la carte d’une rentrée littéraire 100 % française. Non sans succès puisque, parmi ses quatre nouveautés, deux se sont déjà distinguées. Avec les hommes de Mikaël Hirsch figurait dans la première sélection du Femina et Les heures pâles de Gabriel Robinson apparaissait dans le Palmarès Livres Hebdo des libraires, parmi leurs romans préférés de la rentrée (en 76e position parmi les 139 titres cités en littérature française). Des signes qui témoignent d’une reconnaissance du travail accompli par cette maison créée il y a huit ans sous l’impulsion de deux trentenaires venus des éditions Autrement, Kamy Pakdel, parti en 2009 et aujourd’hui directeur de création chez Actes Sud Junior, et Armand de Saint-Sauveur, toujours aux commandes avec une part largement majoritaire dans le capital (le solde étant détenu par sa famille).

 

 

Parcours exceptionnels

Il est vrai que, dès le départ, Intervalles a joué la carte du professionnalisme. Née d’une envie de partager et de valoriser des parcours exceptionnels à caractère pluriculturel, la maison a su se construire une ligne éditoriale cohérente à laquelle elle est restée fidèle. En témoigne son catalogue riche aujourd’hui de 70 titres, avec à la fois des livres de photo et de littérature. «Comme son nom l’indique, Intervalles s’intéresse, dans les domaines graphique et littéraire, à l’ailleurs, et en particulier à ce qu’il y a à la frontière entre deux territoires, deux cultures, commente son P-DG, entré dans le métier à 20 ans comme lecteur chez Florent Massot avant de partir travailler dans un centre culturel en Asie du Sud-Est. A l’origine, ce positionnement pouvait sembler un peu fou mais l’expérience prouve qu’il y avait un créneau.»

 

Tout de suite, la maison s’est donné les moyens d’atteindre son public. Non seulement en France, où elle est, depuis le début, diffusée par CED et distribuée par Belles Lettres, mais aussi à l’étranger. Consciente de l’intérêt qu’il y a à couvrir plusieurs marchés pour amortir le coût d’un beau livre, elle a immédiatement misé pour ses ouvrages de photographies sur une édition bilingue français-anglais et sur une distribution internationale avec, comme partenaires, Turnaround en Grande-Bretagne et Consortium aux Etats-Unis. Sur son marché national, elle a aussi fait en sorte de se faire remarquer grâce à ses partenariats. Ainsi, dès 2006, son beau livre Idolâtrisme de Jocelyn Bain Hogg a été lancé en grande pompe dans le magasin Vuitton des Champs-Elysées avec 2 000 invités et, dans la foulée, un fort retentissement médiatique : passage au «Grand Journal» de Canal+, deux pages dans Libé… «Un beau succès d’estime qui ne s’est toutefois pas retrouvé dans les ventes», se souvient Armand de Saint-Sauveur. En fait, c’est avec 1421, l’année où la Chine a découvert l’Amérique de Gavin Menzies, paru en 2007 puis réédité en poche, qu’Intervalles a vraiment commencé à s’installer dans les librairies françaises. D’autant qu’en 2008 La fin est mon commencement : un père raconte à son fils le grand voyage de la vie de Tiziano Terzani, coédité avec Les Arènes, est venu conforter le phénomène. En fait, la maison a débuté en littérature avec des traductions et «a volontairement attendu d’avoir un réseau et une expérience avant de publier des auteurs français ex nihilo», explique son responsable, reconnaissant qu’«il faut du temps pour asseoir la crédibilité d’un éditeur auprès de ses partenaires : libraires, journalistes, agents, confrères…» Avec actuellement un rythme de publication de 10 à 15 titres par an et une seule salariée, Claire Bessat, responsable de la maquette et du graphisme, la société espère équilibrer ses comptes à la fin du présent exercice pour un chiffre d’affaires de 250 000 euros. De fait, elle commence à profiter à la fois de la montée en puissance de son fonds − toutes proportions gardées puisque sa meilleure vente, 1421, ne dépasse guère les 12 000 exemplaires − et de l’élargissement de son lectorat lié à la publication d’auteurs français, dont les premiers titres, Les meilleures intentions du monde de Gabriel Malika et Là-Batz : le roman d’une île de Guénaëlle Baily-Daujon, ont été épuisés dès l’année de leur parution en 2011 et 2012. Pour les fêtes, Armand de Saint-Sauveur compte aussi sur un beau livre à paraître en novembre, Terre de foot de Romain de La Bouvrie. Et il évoque pour 2014 les nouveaux romans de Guillaume Jan et Gabriel Malika et, pour 2015, un titre de Tiziano Terzani, C’est un autre tour de manège.

 

 

Encourageant

Directrice de la diffusion de CED, Dorothée Perrault est elle aussi confiante : «Intervalles a toujours eu une bonne image auprès des libraires, sans pour autant avoir connu de gros succès commercial. Mais ce qui est en train de se passer depuis quelque temps est très encourageant.» Forte de cette dynamique, la maison quittera à la fin de l’année les 30 m2 qu’elle occupe dans un bel immeuble haussmannien du 8e arrondissement pour s’installer rue Bleue dans le 9e arrondissement, où elle prendra ses aises dans un local de 75 m2. «L’intérêt de cet agrandissement est aussi de pouvoir organiser des événements dans nos murs», note Armand de Saint-Sauveur, conscient qu’«éditeur est aussi un métier de réseaux».

 

25.10 2013

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