Isabelle Mity, "Les actrices du IIIe Reich. Splendeurs et misères des icônes du Hollywood nazi" (Perrin) : Du glamour dans le chaos

Isabelle Mity - Photo DR

Isabelle Mity, "Les actrices du IIIe Reich. Splendeurs et misères des icônes du Hollywood nazi" (Perrin) : Du glamour dans le chaos

Dans une vaste enquête qui fourmille d'anecdotes, <b>Isabelle Mity</b> offre une contre-plongée chez les stars de la UFA durant la période nazie.

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Par Laurent Lemire
Créé le 27.05.2022 à 16h00

Ilse Werner, Marika Rökk, Brigitte Horney, Paula Wessely, Kirsten Heiberg, Camilla Horn. Leurs noms ne disent plus rien, à part peut-être celui de Zarah Leander, devenue une icône gay ou de Magda Schneider qui fut vite supplantée par sa fille Romy. Nous avons oublié ces stars du régime nazi qui ont connu gloire et déchéance pour la plupart. Isabelle Mity enseigne la langue et la civilisation allemande à l'université Paris-Dauphine. Elle se passionne aussi pour le roman policier historique et la culture populaire. Elle était donc tout indiquée pour mener cette enquête passionnante qui déborde d'anecdotes sur cette période durant laquelle Joseph Goebbels, le maître de la propagande du IIIe Reich, fait du cinéma une « arme de distraction massive ».

De l'histoire de ce cinéma allemand, on ne retient souvent que les documentaires de Leni Riefenstahl, les films guerriers comme Stukas ou les films antisémites comme Le Juif Süss de Veit Harlan. Mais que dire du millier d'autres tournés durant ces douze ans ? Comment ont-ils imprégné la mémoire collective ? Qu'ont-ils à nous dire sur cette société allemande qui veut encore rêver sous la croix gammée ? Isabelle Mity trouve une réponse à travers ces divas de la UFA qui ont incarné le glamour dans le chaos. Leur pacte faustien avec le régime hitlérien s'explique par l'appât du gain, mais aussi par le fait que les scénarios proposés n'étaient pas tous des navets, malgré la censure. Isabelle Mity parle d'« un âge d'or qui coïncide avec la page la plus sombre de l'histoire allemande ». En France, durant l'Occupation, quelques classiques ont été tournés, comme Le Corbeau, L'assassin habite au 21 ou Les enfants du paradis. Mais la comparaison s'arrête là. Aucune actrice française ne fut la maîtresse de Goebbels comme Lída Baarová ou une habituée du Berghof d'Adolf Hitler et amie de Martin Bormann comme Magda Schneider.

Ces déesses de Babelsberg, les fameux studios dans la banlieue de Berlin, connaissent aussi leur crépuscule. Certaines se suicident, d'autres sont accusées d'avoir espionné pour les Soviétiques comme Zarah Leander qui s'affirme « idiote politique » pour justifier ses louvoiements. D'autres trouvent des petits rôles dans la série Derrick dont la diffusion est suspendue depuis 2013 lorsque l'on a appris que l'acteur qui jouait le rôle de l'inspecteur le plus lent de l'histoire était un ancien de la Waffen-SS.

Dans le désir de copier Hollywood, les nazis ont cherché sans relâche leur Garbo. Mais la seule vraie star allemande, la Lola Lola de L'ange bleu, avait fui l'enfer et jamais Zarah Leander n'a éclipsé Marlene Dietrich. Dans l'immédiat après-guerre, Siegfried Kracauer, qui fut le critique cinématographique du Frankfurter Zeitung jusqu'en 1933, a montré dans De Caligari à Hitler (Klincksieck, 2019) ce que le cinéma révèle de la psychologie d'un pays. Isabelle Mity s'inscrit dans cette démarche à travers Les actrices du IIIe Reich, fascinante contre-plongée dans un imaginaire trouble.

Isabelle Mity
Les actrices du IIIe Reich. Splendeurs et misères des icônes du Hollywood nazi
Perrin
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 22 € ; 368 p.
ISBN: 9782262080563

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