Entretien

Jeanne Guyon (Rivages Noir) : "Le polar est une auberge espagnole"

Jeanne Guyon, directrice éditoriale de Rivages Noir - Photo DG

Jeanne Guyon (Rivages Noir) : "Le polar est une auberge espagnole"

Nouveau label “New-York Made in France”, un regard vers l’Asie ou encore réédition des iconiques du catalogue avec de nouvelles couvertures… Rivages Noir travaille à consolider l’héritage de François Gérif, fondateur de la collection. Depuis son départ, Jeanne Guyon, accompagnée de Valentin Baillehache, est à la tête du catalogue d’environ 1100 titres.

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Par Dahlia Girgis
Créé le 14.03.2022 à 15h17

Hugues Pagan a remporté le 9 mars le prix Landerneau polar pour Le carré des Indigents. Comment décririez-vous cet auteur publié chez vous depuis une vingtaine d'année ?

Chaque titre d’Hugues Pagan suscite des sensations. C’est un excellent scénariste qui construit ses histoires au rasoir. Il est un auteur révéré et en même temps tellement singulier. Je n’ai pas envie de le ranger dans la case des flics qui écrivent. Il est d’abord un écrivain avant d’être flic. Pour le mettre en avant, on n’insiste pas sur sa carrière d’inspecteur, car il est déjà mis dans cette case. Cela ne nous empêche pas d’en jouer de manière anecdotique.

Extrait du "Booklet" utilisé en librairie pour la mise en avant du livre d'Hugues Pagan,"Le carré des indigents".
Extrait du "Booklet" utilisé en librairie pour la mise en avant du livre d'Hugues Pagan,"Le carré des indigents".- Photo DG

Pensez-vous qu’il existe trop de “case” pour les auteurs de polar ?

Quand je publie un écrivain, la case où le mettre m’importe peu. Mais les écrivains que je publie comme Hervé le Corre ou Hugues Pagan se revendiquent du roman noir. Leurs récits font de la critique sociale et politique, sans pour autant exclure l’aspect divertissement. Le polar est une auberge espagnole. Je vois des passerelles entre les livres de littérature blanche, généraliste et les polars. Le genre a le vent en poupe. Nous le devons en partie à l’ampleur qu’a pris le festival Quais du polar. J’attends toujours le jour où le jury du prix Goncourt nommera un auteur de polar…

Portez-vous une importance à certains thèmes d’actualités ?

Nous suivons l’actualité, mais notre but n’est pas de surfer sur les thèmes. Le vestibule des lâches de Manfred Kahn, publié le 2 mars, est un huis clos dans une vallée sombre. L’auteur explore la question des violences conjugales ou de l’environnement. L’intrigue tourne autour de trois personnes: Victor, Josepha et son mari, un homme tyrannique. Le paysage est très important. Certains parlent de “rural noir”. Mais, l’écrivain ne fait pas que décrire. Le paysage devient un personnage de l’histoire.

Vous avez lancé un nouveau label “New-York made in France”, de quoi s’agit-il ?

Le premier livre de ce label a été publié en septembre dernier Viper’s Dream de Jake Lamar. Dans un format plus petit, l’auteur s’empare dans son roman d’un quartier de New-York. Jake Lamar nous parle par exemple du quartier d’Harlem. Bien que la série commence avec un écrivain afro-américain, qui reste très français et vit à Paris, nous ne publierons que des auteurs français. Au moins un par an sera publié. Le prochain sera en juin : Queen's gangsta de Karim Madani qui parlera du quartier du Queens.

James Ellroy, Dennis Lehane... Vous publiez principalement des auteurs anglo-saxons, souhaitez-vous aller vers de nouveaux territoires ?

Nous gardons l'axe des auteurs anglo-saxons. La proportion d’auteurs français augmente aussi. Depuis peu, nous donnons une impulsion vers le territoire asiatique. Ce sont des territoires non exploités dans les romans noirs. En juin, nous publions le troisième roman de Hye-Young Pyun. Il y a de la concurrence : quand un éditeur va voir quelque chose, il est souvent suivi. Mais si nous nous polarisons sur la concurrence, nous sommes fichus, il faut suivre son chemin.

Nouvelles couvertures de James Ellroy
Nouvelles couvertures de James Ellroy- Photo DG

Comment mettez-vous en avant votre fonds ?

Nous avons développé la série millésime : tous les deux mois, nous rééditions près de deux ouvrages du fonds. Tirés autour de 3000 exemplaires, ils sont iconiques ou plus confidentiels. Des citations d'artistes, comme François Truffaut ou Alain Mabanckou, sont sur un bandeau de prescription. Dans nos sorties habituelles, nous rééditions régulièrement nos classiques avec de nouvelles couvertures. En 2022, c’est le cas pour Hugues Pagan ou James Ellroy par exemple.

Comment vous démarquer des autres éditeurs de polars ?

Par notre histoire, tradition et héritage de François Gérif ! Nous avons un référentiel auprès des libraires et touchons même un lectorat plus jeune. Il faut rester humble et faire découvrir ce que nous aimons. L’une de nos principales préoccupations est de toucher le plus large lectorat.

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