Ainsi qu’il a déjà été annoncé sur ce site, la Bibliothèque John Fitzgerald Kennedy, sise à Boston, a mis en ligne, jeudi 13 janvier, une première partie de sa collection relative à la présidence de JFK, pour marquer le 50 ème anniversaire de l’investiture de ce dernier. Cette collection, consultable sur le site jfklibrary.org , est, à ce jour, la base de données numérique la plus complète sur un ancien président des Etats-Unis. Mais ce n’est pas de cela que je voudrais vous entretenir. Comme il ne l’aura échappé à personne, on célèbre cette année un autre 50 ème anniversaire : celui de la mort d’Ernest Hemingway. Or, il se trouve que la Bibliothèque JFK de Boston est également dépositaire du plus important fonds public consacré à l’auteur de Pour qui sonne le glas . Et l’histoire de ce fonds mérite d’être contée. JFK et Hemingway ne se sont jamais rencontrés. Mais ils auraient pu. Hemingway n’avait pas caché son admiration pour le jeune candidat démocrate à l’élection présidentielle. Et c’est tout naturellement qu’il s’était retrouvé sur la liste des artistes et intellectuels invités à son investiture. Mais déjà à bout de forces, Hemingway avait dû se contenter de suivre la cérémonie à la télévision. Six mois plus tard, il se donnait la mort. Peu après, le gouvernement cubain annonçait à Mary Hemingway, sa veuve, son intention de transformer en musée la maison que Hemingway avait habitée à Cuba — et qu’il avait désertée en 1959, à la suite du renversement de Batista par la révolution castriste. La maison, depuis lors, était restée « dans son jus », avec ses meubles, et les papiers qu’elle contenait. En 1962, les relations entre les USA et Cuba sont pour le moins tendues (nous sommes quelques mois après l’épisode de la Baie des Cochons). Le blocus est total. Mais Ernest Hemingway vaut bien une trêve diplomatique. JFK intervient personnellement pour permettre à Mary Hemingway de rallier Cuba. Et Fidel Castro donne son accord pour qu’elle reparte de la maison avec les papiers qu’elle contenait — photos, manuscrits, une partie de la bibliothèque d’Hemingway, etc. Le tout est donc transféré aux Etats-Unis. A peu près dans le même temps, Mary récupère d’autres papiers d’Ernest Hemingway, entreposés depuis les années 1930 dans une réserve d’un bar de Key West, en Floride. En ouvrant les cartons, Mary y découvrit des squelettes de rats… Enfin, Hemingway avait également abandonné des papiers à Paris, au Ritz, lorsqu’il y avait séjourné au milieu des années 1950. Mary les récupère également. Tout cela commence à former une imposante collection, et Mary cherche un toit pour l’abriter. En 1964, elle rencontre, dans une réception, le secrétaire de Jackie Kennedy et lui parle de son problème. Le secrétaire répercute à Jackie K. qui propose aussitôt d’héberger la collection dans la bibliothèque prévue pour honorer la mémoire de son mari. Le bâtiment, très ambitieux, n’existe pas encore, mais Jackie K. a déjà choisi l’architecte qui l’érigera, un inconnu (alors) du nom de Ieo Ming Pei… Pendant quinze ans, la Bibliothèque JFK occupera des locaux provisoires. Pendant ce temps, de nouveaux documents continueront d’arriver pour enrichir le fonds Hemingway, dont les premières consultations publiques seront autorisées à partir de 1975. En 1979, la Bibliothèque JFK, enfin terminée après moult péripéties, est inaugurée par Jimmy Carter, et Jackie K. L’année suivante, la « Hemingway Room », également dessinée par Pei, est inaugurée à son tour, ce qui donnera lieu à une réception intellectualo-mondaine ébouriffante, qui rappellera à certains les grandes soirées de la Maison Blanche, quand Jackie K. y régnait en maîtresse de maison. Depuis cette date, les chercheurs peuvent y consulter le fonds Hemingway dans un décor qui rappelle l’environnement familier de l’écrivain, puisqu’on y trouve quelques-uns de ses trophées de chasse… Il va sans dire que quiconque voudrait s’atteler à une nouvelle biographie d’Hemingway (après celle de Peter Griffin…) ne peut pas faire l’économie du voyage à Boston : comme l’expliquent les responsables du fonds Hemingway, il s’agit «  du plus important corpus sur Hemingway réuni en un même lieu  ».   ***   Je ne voudrais pas terminer ce billet où il a déjà été beaucoup question de Jackie K. sans signaler que deux livres sont parus l’automne dernier, aux USA, relatant sa carrière d’éditrice : Reading Jackie, Her autobiography in books, chez Doubleday, et Jackie Editor, The literary life of Jacqueline Kennedy Onassis, chez St Martin’s Press. On ne le sait pas toujours, mais Jackie K. ne fut que trois ans first lady, sept ans l’épouse d’Aristote Onassis… mais vingt ans éditrice. Elle débuta dans le métier en 1975, après la mort d’Onassis. Son premier poste fut chez Viking, pour 200 dollars par semaine. En 1977, elle passa chez Doubleday, où elle resta jusqu’à sa mort. A la fin, son salaire était de 100 000 dollars par an. C’est elle qui publia Moonwalker , la biographie de Michael Jackson, mais elle pouvait aussi acheter des livres étrangers pour lesquels elle avait eu le coup de foudre. Jackie Editor décrit, d’après le New York Times , «  une femme en lutte contre les conglomérats de l’édition et les coupes budgétaires  », bien consciente par ailleurs que son nom lui était un sésame. «  Quand Naguib Mahfouz a obtenu le Nobel, en 1988, et que tout le monde le voulait, Alberto [alors patron de Bentam Doubleday] demanda à Jackie de l’appeler, parce qu’il était sûr qu’on lui répondrait. Elle n’était pas dupe.  »

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