Histoire/France 22 oct. Mathilde Aycard, Pierre Vallaud

C'est de l'histoire narrative comme elle fait plaisir à lire. Il n'y a pas de thèse nouvelle, pas de notes même si tout est sourcé, juste de la clarté. Les auteurs se sont contentés des faits qu'ils ont retissés sous la forme d'un récit impeccable. Rien n'y manque : le sang, les drames, la duplicité et deux dictateurs vacillants dopés par les piqûres de leurs médecins : Hitler et Mussolini. Le premier avait une admiration sans faille pour le second. Jusqu'à sa chute. Depuis 1943, après l'avoir fait libérer par un commando, c'est lui qui commande et impose ses lois, ses rafles et sa politique de la terre et des gens brûlés. Au Duce, il fait accepter un régime fantoche qu'il installe en Lombardie, près de Vérone, au nord de l'Italie alors que les troupes anglo-américaines gagnent du terrain depuis le sud. A Salò, la République sociale italienne (RSI) - avec un curieux sens de l'oxymore, Hitler aurait préféré « République fasciste italienne » - est condamnée à la soumission et à l'infamie. Jamais la répression n'aura été plus dure en Italie que sous ce gouvernement où les SS font la loi avec la complicité des « brigades noires ». L'antisémitisme atteint son paroxysme durant cette période où 1 022 hommes, femmes et enfants sont arrêtés à Rome et envoyés à Auschwitz le 18 octobre 1943. Seulement 16 survivront.

Dans son bric-à-brac idéologique, la constitution de Salò attise la haine et distille la terreur. Les deux « caporaux » de l'Europe sont certes décrépis, mais ils ont décidé de faire de leur crépuscule un enfer pour les autres. Dans Kaputt, Curzio Malaparte exprime parfaitement cette ambiance d'un territoire en miettes. Le Duce tente de fuir cette Italie dévastée, blotti au fond d'un camion dans un uniforme allemand. Mais il relève crânement le menton lorsqu'un partisan le reconnaît et l'interpelle
« Cavaliere Benito Mussolini ». C'en est fini de cette descente des gémonies qui s'est jouée en 600 jours, du 25 juillet 1943 au 28 avril 1945.

Au terme de cette tragédie et de ses incidences, on ne peut s'empêcher de penser au film de Pasolini, Salò ou les 120 journées de Sodome avec ses images insupportables. La violence des totalitarismes se retrouve jusque dans leur mort.

Mathilde Aycard, Pierre Vallaud
Salò, l’agonie du fascisme
Fayard
Tirage: 1 700 ex.
Prix: 22 euros ; 320 p.
ISBN: 9782213671154

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