Avant-critique Roman graphique

Un retour à la bande dessinée des Kerascoët, voici une nouvelle bien réjouissante en cette fin d'année. Leurs remarquables séries Miss pas touche (4 tomes, 2006-2009) et Beauté (3 tomes, 2011-2013), scénarisées par le regretté Hubert, sont désormais bien loin. Et depuis l'intégrale de Satanie (avec Fabien Vehlmann au scénario) en 2016, chez Soleil, le duo formé par Marie Pommepuy et Sébastien Cosset s'était essentiellement consacré à des albums illustrés pour jeunes enfants. Cette fois-ci, c'est avec l'autrice jeunesse Flore Vesco qu'ils collaborent, pour l'adaptation de son bondissant roman pour adolescents De cape et de mots (Didier jeunesse, 2015). Aînée de six enfants, la jeune et exubérante Serine est issue d'une famille noble, mais très désargentée. À la suite du décès de son père, sa mère décide la marier afin d'avoir une bouche de moins à nourrir. Serine choisit plutôt la fuite. Elle envisage de gagner la cour du roi et d'y devenir demoiselle de compagnie de la reine. Sur un malentendu, elle va bientôt réaliser son rêve. Son tempérament entier et fougueux, sa malice, son intelligence et son goût pour les mots improbables vont bouleverser les petites habitudes confites du palais, mais ne lui vaudront pas que des amis. Et, dans cette cour qui s'inspire de celle de Louis XIV, avec ses précieux et précieuses ridicules, ses lèche-bottes serviles, ses assoiffés de pouvoir, ses intrigues mesquines, elle va tomber en grâce et en disgrâce. Telle une Fantômette du Grand Siècle, elle va déjouer un complot, frôler la mort, et même passer par la case prison.

Flore Vesco et les Kerascoët étaient destinés à se rencontrer et leur association fait ici des étincelles. Le sens de la mise en scène et le dessin simple mais plus dynamique que jamais des Kerascoët résonnent avec cette histoire échevelée et pleine de bons mots (dont l'adaptation scénaristique a été réalisée par l'autrice et le duo). Les répliques fusent, les rebondissements se succèdent à un train d'enfer, quelques scènes gentiment canailles parsèment le récit. Jusqu'au rebondissement final, les Kerascoët s'en donnent à cœur joie. Leur trait virevoltant n'est que mouvement, tourbillon, cavalcades, tumulte. Ils n'en portent pas moins une attention soignée aux détails et aux décors qui, à l'instar des dialogues, recèlent des trésors de drôlerie. Cet humour, parfois noir, alimente une fine réflexion sur les classes sociales, le pouvoir. Mais les courtisans n'auront pas le dernier mot. Grâce à la futée Serine, l'esprit tout court triomphera de l'esprit de cour.

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