Le narrateur du nouveau roman de Jean Rolin est un drôle de zèbre. De lui, on sait qu'il est désormais caractérisé par une tendance à l'exagération. Qu'il a progressé très lentement "dans la hiérarchie des services". Qu'il a essayé, en vain, de ressembler "au flic brutal et corrompu que dans La soif du mal, incarne magistralement Orson Welles". Notre homme a été exilé à Murghab, au Tadjikistan, "sous le futile prétexte, peu susceptible de dissimuler le caractère punitif de cette affectation, d'y relever les numéros d'immatriculation de tous les véhicules franchissant dans un sens ou dans l'autre la frontière chinoise".
Avant cela, le bougre a eu la chance d'approcher la grande Britney Spears à Los Angeles en mai 2010. Lorsqu'il se trouvait en mission dans la Cité des Anges pour le compte du colonel Otchakov, chargé d'y empêcher un odieux projet criminel fomenté par quelques intégristes. Il s'était alors mêlé aux paparazzis qui attendaient la star à la sortie d'un restaurant gay, à l'angle de Robertson et de Santa Monica, où elle déjeunait avec son garde du corps. Le héros de Rolin avait aussi eu la chance de croiser une autre icône des temps modernes, Katy Perry, dont "l'ampleur merveilleuse" des "nichons" ne lui avait pas échappé. Et aussi Lindsay Lohan, reine de l'esclandre, qui l'avait frappé par son sex-appeal et sa beauté...
Jean Rolin, dont Traverses (NiL, 1999) ressort dans la collection "Points" en septembre prochain, semble ici à l'aise sur tous les terrains. Avec une même virtuosité, il glisse de la chronique people à la promenade à pied et en bus dans les arcanes de L. A., sans oublier d'évoquer les oiseaux ou de faire escale au château Marmont, où le verre de sancerre est à 21 dollars et 46 cents, "dont 1 dollar 91 cents de taxe et 2 dollars 55 cents de service". Que demander de plus ?
